< Retour à la liste des articles 17 octobre 2021

Gérer ses ressources humaines en mode collaboratif

Anne-Marie Tremblay

Les coopératives pourraient devenir un remède à la pénurie de main-d’oeuvre. Voici comment.

Unir ses forces pour attirer, mais surtout retenir son personnel. C’est le modèle que proposent les coopératives d’employeurs en gestion des ressources humaines. Le concept a été présenté au RDV 2021 coopération + mutualité.

Alors que le nombre de postes vacants atteint des sommets au Québec, la pénurie de main-d’oeuvre devient un enjeu crucial pour les entreprises. « Dans de nombreuses organisations, la gestion des ressources humaines engendre une pression très forte sur la production, la croissance, la rentabilité et même la pérennité », rappelle Fanie Drouin, responsable de ce projet au CQCM. L’organisme offre en effet un service d’accompagnement aux groupes d’entrepreneurs intéressés par l’aventure. L’initiative a été lancée en 2019, en collaboration avec Services Québec, l’Université Laval et la Coopérative de développement régional du Québec (CRDQ).

La rareté actuelle de la main-d’oeuvre oblige les employeurs à revoir conditions de travail, avantages sociaux et stratégie de développement des compétences. Ils doivent aussi consacrer davantage d’attention à leur marque employeur. « En fait, avec la courbe démographique, il faut réfléchir plus loin que la simple question du recrutement. Pour avoir de réels gains, il faut plutôt se pencher sur des questions comme la rétention des employés – par exemple des semi-retraités –, la productivité ou la mobilité interne », souligne Sébastien Girard, conseiller principal en développement coopératif, Québec, à la CDRQ.

Malgré le contexte, rares sont les petites entreprises ayant les moyens d’embaucher un professionnel à temps plein pour s’occuper de ces questions, pourtant au coeur de la rétention des troupes, ajoute-t-il. D’où l’idée de mutualiser ce genre de services, en créant une coopérative d’entreprises en gestion des ressources humaines.

« L’objectif, c’est vraiment de regrouper des organisations qui cherchent à répondre à leurs besoins de façon individuelle et collective, grâce à une ressource partagée spécialisée à ce chapitre », précise Fanie Drouin. Ainsi, les entreprises peuvent procéder ensemble à l’embauche d’un professionnel des ressources humaines.

Accompagnement personnalisé
Le CQCM offre donc un accompagnement personnalisé dans la création de ce type de coopératives, mais il va plus loin en proposant un diagnostic des besoins collectifs et individuels des membres. Cette analyse permet ensuite d’élaborer un plan d’action sur mesure. Par la suite, la nouvelle coop formée par les PME participant au programme du CQCM procède à l’embauche d’un professionnel des ressources humaines, explique Fanie Drouin. « Cela permet non seulement de générer des économies d’échelle, mais aussi de se positionner devant la concurrence en tant qu’employeur de choix. »

De gauche à droite : Marie-Claude Beaudin, professionnelle de recherche de la Chaire de leadership en enseignement sur l’engagement social de l’Université Laval, Sébastien Girard, conseiller principal en développement coopératif Québec à la CDRQ, Fanie Drouin, Chargée de projet | Coopératives d’employeurs en gestion des ressources humaines au CQCM
Marie-Claude Beaudin, Sébastien Girard et Fanie Drouin

S’adressant principalement aux PME de petite taille (moins de 80 employés), cette solution d’affaires est proposée aux regroupements d’entreprises qui désirent travailler de concert, qu’elles soient dans la même région ou le même secteur. Les entreprises qui allient ainsi leurs efforts deviennent les codéveloppeurs des services en sélectionnant des solutions à leur image. Ainsi, elles peuvent non seulement améliorer leurs pratiques de RH, mais aussi enrichir leur offre avec la création d’un parcours de formation, en implantant un régime d’assurances collectives ou encore en déployant une stratégie de marketing RH.

Une voie à explorer
À l’heure actuelle, plusieurs coopératives de ce type sont à l’étude, dont un projet-pilote qui devrait voir le jour dans la MRC de Matawinie. Par contre, certaines coopératives existantes ont décidé d’ajouter la gestion des ressources humaines à leur offre. C’est le cas de Groupex, une coopérative horticole regroupant des joueurs du domaine de la jardinerie et de l’aménagement extérieur, qui a pris différentes initiatives en ce sens, a témoigné son directeur général, Sébastien Cordeau, lors de la présentation. « Cela nous a permis de réfléchir à différentes questions, comme le recrutement ou la rémunération globale », dit-il.

Les membres ont scruté leur secteur d’activité pour mieux cerner le profil des employés recherchés et, ainsi, mettre de l’avant les bons mots-clés pour joindre leurs recrues potentielles et cibler les meilleurs canaux pour atteindre leur cible. Cette mutualisation des ressources aura permis de mettre en place le site Talent Groupex, qui se consacre au recrutement. La coopérative planche aussi sur un projet d’échange de main-d’oeuvre et d’expertise avec l’Amérique centrale, ajoute Sébastien Cordeau. Voilà autant de solutions qui seraient difficiles à mettre en oeuvre individuellement.

C’est d’ailleurs l’une des clés du succès d’un tel projet, a pour sa part rappelé Marie-Claude Beaudin, chercheuse à la Chaire de leadership en enseignement sur l’engagement social de l’Université Laval. En effet, parmi les facteurs de succès, figure le fait qu’il faut non seulement nommer une personne responsable du projet, mais aussi s’assurer que les membres se font confiance et collaborent dans la poursuite d’un objectif commun.

« Il est important, aussi, que les entreprises aient des enjeux qui se ressemblent, ce qui leur permet d’établir des priorités en fonction de leurs besoins communs », commente-t-elle.

Dans ce contexte, la création de coopératives d’employeurs en gestion des ressources humaines constitue une « solution d’affaires aussi innovante que performante », affirme Fanie Drouin. Voilà un mouvement qui pourrait faire boule de neige !

Publié en octobre 2021 — Crédit photo mise en avant : Dylan Gillis sur Unsplash

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