< Retour à la liste des articles 15 octobre 2012

Une chance de contribuer à la pérennité de son emploi

Véronique Chagnon

Dans les villes du monde, plusieurs quartiers sont les premiers à essuyer les coups quand les choses tournent mal. Clondalkin affiche traditionnellement le deuxième taux de chômage le plus élevé dans le comté de Dublin, en Irlande. Et, comble de malheur, depuis deux ans, le nombre de personnes sans emploi a augmenté de 23 % dans l’arrondissement, crise économique mondiale et banques irlandaises mal en point aidant. Quand les temps sont durs, les organismes communautaires baissent la tête et s’arment contre la tempête.

« La participation financière des membres peut favoriser la réalisation d’un projet d’économie sociale auquel les modèles d’affaires du secteur privé n’offrent pas nécessairement de réponse; une bonne participation peut influencer positivement les individus et les motiver, faciliter la prise de décision en collégialité, permettre à chaque travailleur de s’approprier le projet et accroître l’autonomie des employés. Dans de nombreux projets d’économie sociale, la participation des employés a des répercussions positives sur la productivité, la qualité et la gamme de services ou de produits offerts par l’entreprise. La participation active d’un groupe d’intervenants clés contribue aussi à ce que l’activité de l’entreprise tienne véritablement compte des besoins de la collectivité à laquelle le projet s’adresse. »

– Larry O’Neill, coprésident-directeur général, CPLN Area Partnership, Dublin, Irlande

C’est dans le but d’offrir à la communauté des perspectives d’emploi que la Clondalkin Community Recycling Initiative (CCRI) a été lancée, en 2002. L’entreprise d’économie sociale fait d’une pierre deux coups en fournissant du travail aux gens de la région tout en récupérant les vieux appareils électriques que la Ville ne voulait plus voir abandonnés sur les trottoirs.

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est plante.png.Or, pour survivre en ces temps troubles où les instances publiques jonglent avec des fonds de plus en plus minces, l’entreprise a dû se retrousser les manches et chercher une façon d’atteindre la viabilité financière. « Dans le langage administratif de la Ville, on est passé d’entreprise à vocation sociale à service communautaire. Maintenant, plus on ramasse d’appareils, plus on reçoit de fonds », explique Una Lavelle, gérante de la petite équipe. Depuis trois ans, la CCRI a donc instauré un système de bonus pour stimuler et récompenser les employés qui atteignent certaines cibles. Les collecteurs reçoivent 5 % de leur salaire s’ils collectent un poids déterminé à l’avance. De plus, si après le démantèlement des appareils, le poids des matériaux atteint une deuxième cible, un autre 4 % s’ajoute à leur chèque de paie.

« On devait augmenter la productivité, car le financement qu’on recevait de la Ville ne suffisait pas à couvrir nos dépenses, explique Una Lavelle. Il est crucial que les employés participent au succès économique de l’entreprise, parce qu’au départ, on est là pour stimuler l’emploi. Si on n’arrive pas à survivre, ils perdent leur emploi. »

« Quand ils ont instauré le bonus, j’ai trouvé que c’était une très bonne idée et que ça encourageait les travailleurs », se souvient Christy Breslin, employé depuis huit ans. Avant de faire ce boulot, Christy nettoyait les berges du canal, et c’est son intérêt pour la préservation de l’environnement qui l’a mené à la CCRI. Aujourd’hui, il supervise l’équipe de collecteurs.

« Grâce au bonus, on se sent plus concernés par la performance économique de l’entreprise. Notre attitude est positive parce que nous savons que nous recevrons un surplus à la fin du mois. »

En plus de leur permettre d’arrondir les fins de mois, le système de bonus donne aux employés un sentiment de sécurité difficile à trouver dans un climat économique chancelant. « On se sent plus à l’aise quand on peut contribuer au succès économique de l’entreprise, on a plus de contrôle sur notre futur », croit Christy Breslin, désolé de la situation précaire de milliers de travailleurs irlandais.

Avec sa nouvelle productivité tonifiée par le système de bonus, la CCRI a même pu étendre ses activités. « Peu après la mise en place du système de bonus, on a pu engager un collecteur de plus, avant que la crise financière n’ait raison de ce nouvel emploi », affirme Una Lavelle. Mais depuis 2011, l’entreprise est de nouveau bien en selle et a pu engager deux autres collecteurs. « Le gain en productivité nous a permis d’accepter plus de contrats, et ces deux employés ajoutés nous permettent de les remplir », se réjouit Una Lavelle, qui garde toujours en tête la mission première de l’entreprise : offrir du boulot.

Pour l’instant, l’équipe de la CCRI se contente bien du système de bonus. Mais à long terme, selon le succès de l’initiative, les employés pourraient avoir la chance de contribuer encore davantage au projet. « On n’avait pas choisi la participation économique directe parce que les salaires de nos employés restent assez bas, et on se voyait mal leur demander d’investir une part de leurs revenus dans la CCRI », rappelle Una Lavelle, pour expliquer son choix de ne pas avoir emprunté la méthode traditionnelle d’investissement en parts. Mais Christy Breslin ne ferme pas la porte. « Je pense que ce serait une bonne idée; les bonus pourraient, par exemple, être remis sous forme de parts de l’entreprise. »

www.recycleit.ie

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