Coop d’habitation étudiante UTILE
Alexandre Couture
Trouver un appartement à Montréal n’est pas toujours une mince tâche pour les étudiants. En compétition avec les familles pour les logements à plusieurs chambres, ils se retrouvent bien souvent à payer des loyers trop chers. La situation se corse davantage dans les quartiers à proximité des établissements scolaires, où les taux d’inoccupation des grands logements frôlent les 0%. C’est dans ce contexte que l’Unité de travail pour l’implantation de logement étudiant (UTILE) a vu le jour avec le rêve fou de révolutionner le marché locatif étudiant.
En 2013, après une longue saga remontant au début des années 2000, l’îlot Voyageur était vendu à des promoteurs privés pour la coquette somme de 45 millions de dollars. Ce projet immobilier de grande ampleur s’était rapidement transformé en gâchis couteux, générant plus de 300 millions de dollars en dépenses publiques.
Si plusieurs y ont vu un dur coup pour l’UTILE, qui voulait pendant quelques mois en faire des logements étudiants, les principaux intéressés y ont vu une occasion de tourner la page et de tracer leur propre destin. Rencontrée deux ans plus tard dans ses bureaux de l’avenue Gaspé, l’équipe est fière d’annoncer qu’elle finalise les derniers détails pour la construction de leur première coop d’habitation étudiante, prévue pour livraison en 2017.
Des étudiants inspirés
Fondé à la fin de l’année 2012 par un groupe d’étudiants, l’organisme à but non lucratif voulait combler un vide dans le paysage immobilier québécois. «On s’est rendus compte qu’il n’y avait pas de groupe porteur pour le logement étudiant même si les lacunes de ce côté étaient évidentes », explique le coordonnateur général, Laurent Levesque.
Selon lui, plusieurs freins nuisent au développement des coopératives d’habitation étudiantes. « Tout d’abord, il y a une absence quasi totale d’information sur le sujet, deuxièmement il n’y a pas de promoteur doté d’une expertise sur le logement étudiant au Québec et finalement, les coops locales d’habitation se concentrent sur des problématiques autres que celles de la population étudiante», poursuit le bachelier en urbanisme. La mission de l’UTILE était donc de répondre à ces trois grands besoins.
Le premier volet étant la promotion, la petite équipe est omniprésente dans les conférences et rencontres sur le logement étudiant à Montréal. «Nous voulons provoquer des discussions, promouvoir les logements étudiants à titre de champ d’action socialement et économiquement bénéfique, notamment pour l’accessibilité aux études, le développement urbain durable et l’équité régionale », poursuit Laurent Levesque.
Dans cet ordre d’idée, l’UTILE a créé en 2015 le site lappart.info, plateforme où les étudiants peuvent trouver une panoplie d’informations sur la recherche d’appartement à Montréal. « Trop souvent, les jeunes arrivent à Montréal en toute méconnaissance de cause et se retrouvent dans des logements mal adaptés et surtout trop coûteux », argue-t-il. Ainsi, avec le site web, l’organisation qui compte six salariés et plusieurs stagiaires se donne la mission «d’accompagnateur » pour les futurs locataires.
Une expertise inexistante
«Dans les premiers balbutiements du projet, nous nous sommes rendus compte qu’il n’y avait aucune banque de données sur le logement étudiant au Québec, une situation qui bloquait carrément le développement des coops d’habitation étudiantes», raconte M. Levesque. Ainsi, l’UTILE avait trouvé le deuxième volet de sa mission : investir dans la recherche et développer une expertise.
Plusieurs études ont été commandées et réalisées par l’UTILE depuis 2013 et les conclusions de celles-ci ont permis d’adapter les projets de l’organisation selon les besoins des étudiants. Entre autres, il manquerait plus de 4000 unités de logement pour les étudiants montréalais, un déficit que l’UTILE aimerait réduire significativement sur une période de 15 ans. «Tous les résultats de nos études sont rendus publics et n’importe quel expert est libre de les utiliser dans de futurs projets », rappelle M. Levesque. Un partage de savoir qui n’est pas étranger à un des principes fondamentaux de l’UTILE: « L’intérêt collectif comme finalité première ».
Passer de la parole aux actes
L’organisation montréalaise prévoit livrer son premier logement étudiant en 2017, qui prendra la forme d’une coopérative de solidarité. «La formule coopérative permet d’avoir un C.A. où les jeunes sont bien représentés, continue-t-il. Nous voulons éviter le modèle institutionnalisé des résidences universitaires et favoriser une vie communautaire. » Le bâtiment offrira entre 100 et 200 chambres dès son ouverture, un premier pas vers un large réseau de logements étudiants que l’UTILE souhaite mettre sur pied à long terme.
« Contrairement à l’îlot Voyageur qui était littéralement coulé dans le béton, la construction d’un nouveau bâtiment nous donne carte blanche», explique-t-il. En effet, après avoir fait examiner la structure qui se trouve tout près de l’UQAM, il semblait impossible de contourner certaines contraintes comme la hauteur des plafonds. «Plusieurs médias ont parlé d’un échec (ne pas avoir acheté l’îlot Voyageur), mais la vérité est que nous nous étions retirés du projet deux mois avant », réitère le coordonnateur général.
L’UTILE a développé un modèle architectural sur mesure pour la colocation étudiante qui est fondamentalement axé sur la réalité montréalaise. « De plus, nous nous inspirons de différents modèles à travers le monde, nous essayons de prendre le positif de chacun et d’éviter de répéter les points plus négatifs », ajoute M. Levesque. L’équipe mise en particulier sur les espaces communautaires où les jeunes peuvent partager et s’entraider, une formule qui a fait ses preuves dans plusieurs coopératives d’habitation étudiantes à l’international.
Souvent considérés comme une génération individualiste, les 18-35 ans prouvent encore une fois que les valeurs de l’entraide et de la coopération occupent une grande place dans leur vie. L’UTILE est l’exemple parfait, un groupe de jeunes qui mettent sur pied un projet qui résistera aux années et aidera les générations futures. «Notre but est d’être le point de rencontre entre l’expérience existante et les forces vives d’une jeunesse qui veut prendre en main sa société », conclut Laurent Levesque.Â
Comme quoi, l’avenir est peut-être plus rose que prévu pour le Québec de demain.
UTILE – Unité de travail pour l’implantation de logement étudiant