< Retour à la liste des articles 15 octobre 2017

OuiShare

Un think tank pour repenser l’économie collaborative

Alexandra Lopis

Fondé en 2012, OuiShare est la première communauté consacrée à l’économie collaborative en France. Pour les milliers de contributeurs qui la composent, les structures économiques basées sur l’ouverture, la collaboration et le partage de la valeur peuvent résoudre les défis de notre époque. Entretien avec Arthur De Grave, membre du collectif et rédacteur en chef du magazine OuiShare.

Coopoint: Pour commencer, pouvez-vous nous expliquer comment est né OuiShare?

Arthur De Grave: Mon camarade Antonin Léonard avait lancé un blogue sur la consommation collaborative. Il a commencé à animer des discussions, organiser des rencontres. Nous nous sommes rapidement rendus compte que ça dépassait le cadre de la consommation, qu’il y avait un mouvement plus vaste et une tendance nouvelle à vouloir sortir des modes d’organisation pyramidaux hérités du passé. OuiShare a infusé comme ça. Au début, nous n’avions pas de structure, c’était quelque chose qui vivait sur les réseaux sociaux et dans les rencontres que nous organisions.

« OuiShare explore les impacts et les possibilités de l’économie numérique sur la société. »

Aujourd’hui, comment définiriez-vous OuiShare ?

C’est une sorte de conversation qui continue depuis six ans, un accélérateur d’idées et de projets. Avec le temps, on a dépassé le simple questionnement de l’économie collaborative. Aujourd’hui c’est une sorte de think tank qui explore les impacts et possibilités de l’économie numérique sur la société.

Nous organisons des évènements, animons une communauté et partageons les connaissances. Nous avons des médias en ligne (magazine, télé, radio) et nous produisons des études, comme Gouvernances sur les modes d’organisation existant pour l’économie de plateforme et l’économie sociale et solidaire.

Nous avons 80 connectors (membres actifs) et des milliers de membres contributeurs, dans 20 pays en Europe, Amérique Latine, Amérique du Nord et Afrique du Nord.

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est arthure-de-grave.png.
Arthur de Grave, Crédit : OuiShare

OuiShare a organisé son grand festival à Paris, au mois de juillet. Quel était l’enjeu de cette 5e édition?

Le OuiShare Fest explore comment les outils numériques et la culture collaborative peuvent apporter des solutions aux défis de notre époque.

Cette année, le thème Villes de tous les pays, unissez-vous invitait à réfléchir à la façon dont les villes et les citoyens peuvent créer de nouvelles alliances. L’idée était d’apporter une vision critique des villes intelligentes et en partage pour repenser la question de la ville.

La particularité de ce festival, c’est qu’il rassemble en un même lieu des publics qui habituellement ne se parlent pas: activistes, militants, startuppers, businessmen, personnes du monde associatif, coopératif et de la sphère publique. Il accueille près de 2000 personnes, ce n’est pas gigantesque, mais la diversité de profils et de nationalités en fait la richesse.

« Le OuiShare Fest a la particularité de rassembler en un même lieu des publics qui habituellement ne se parlent pas. »

Quelles sont les rencontres qui vous ont marqué?

Dans un sujet comme la ville, ce qui m’intéresse, c’est la question de la démocratie. La vraie démocratie directe et participative. À OuiShare, nous sommes de gros utilisateurs d’applications de démocratie participative. Ces technologies sont très prometteuses, mais n’ont pas encore trouvé leur terreau d’expression. Au festival, Pia Mancini, co-fondatrice de Democracy OS est venue parler de cette plateforme web. Elle défend un modèle ouvert de la démocratie permettant aux citoyens de prendre part à la politique qui les concerne au quotidien.

J’ai aussi été intéressé par le discours de Malik Yakini. Il a créé Detroit Black Community Food Security Network qui exploite une ferme urbaine en circuit court et une épicerie coopérative, dans le nord de Détroit. Il y avait aussi Tomas Diez, du Fab Lab de Barcelone, qui prône un mouvement de relocalisation de la production industrielle de demain par de nouveaux moyens.

Quelle est votre vision de l’économie collaborative aujourd’hui et où en est-on?

Depuis 2012, le terme est plus implanté dans les esprits. C’est quelque chose qui aujourd’hui est pris au sérieux. Je pense qu’on en parle plus car il y a eu des réussites «éclatantes» qui ont défriché le terrain.

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est airbnb.png.
Crédit : Ouishare

En ce sens, Uber et Airbnb ont joué un rôle pour généraliser et normaliser des pratiques participatives, que ce soit de façon intéressante ou avec des externalités négatives.

J’ai une vision critique et inclusive de l’économie collaborative. Tout ne peut pas être rassemblé sous le même label. L’« uberisation » remet au centre la question du partage de la valeur et par contrecoup redonne du panache et éclaire tout ce qui est associations et coopératives. Selon moi, l’enjeu aujourd’hui est de favoriser des expériences d’hybridation entre le monde des start-ups et le coopératif. Certains essayent d’ailleurs de se convertir, ou d’aller vers un statut coopératif mais font face à de nombreux problèmes.

Avez-vous des exemples?

En France, La Ruche qui dit oui cherche un moyen pour que les responsables de ruches et les producteurs de son réseau deviennent les codétenteurs de la plateforme de vente. Il y a plus de 6000 producteurs, 300 000 consommateurs et 800 responsables de ruches. Passer du jour au lendemain à un statut coopératif est très compliqué. Alors comment mettre en place le partage de la valeur et une gouvernance plus démocratique sans se convertir strictement?

Actuellement, il n’y a rien dans la loi française qui permet à une entreprise de distribuer gratuitement des actions à des tiers. Il faut faire bouger les choses et permettre à ces entreprises de s’hybrider. Même si elles veulent garder leur modèle, il y a des choses à prendre dans le monde des coopératives.

On se retrouve avec deux sensibilités qui se regardent en chiens de faïence et finissent par ne rien avoir à se dire, alors qu’elles pourraient avoir un fonds commun. Nous, ça ne nous intéresse pas de trouver une définition unique à l’économie collaborative. Nous préférons explorer les sujets et se questionner, ensemble. 

« Ce qui m’intéresse, c’est la question de la démocratie. La vraie démocratie directe et participative. »

Publié le 15 octobre 2017

Laisser un commentaire

Abonnez-vous à nos InfoLettres