Coopérative solidarité FibrEthik
Par Gaétan-Philippe Beaulière
Qui a dit que l’uniformité devait être conventionnelle? Cet automne, cinq écoles secondaires québécoises ont choisi de concevoir une gamme d’uniformes certifiés biologiques et équitables, une première en Amérique du Nord. Derrière cette innovation, il y a l’entreprise coopérative fibrEthik, qui se spécialise dans l’importation et la promotion du coton « bioéquitable ».
La production de coton peut être étonnamment polluante. Une réalité à laquelle le consommateur occidental moyen reste aveugle au moment d’acheter des vêtements. Or, les effets du choix de ces écoles sur l’environnement sont notables : ce sont 9 000 litres de pesticides et autres produits toxiques de moins qui seront déversés dans les champs de coton. Sans compter les 150 tonnes de CO2 qui ne seront pas produites. La mission de fibrEthik est certes d’importer du coton biologique et équitable, mais également d’« apprendre aux gens qu’acheter des vêtements n’est pas un geste si anodin qu’il le semble; la production de vêtements pollue énormément », explique le fondateur et coordonnateur général de fibrEthik, monsieur Marc-Henri Faure.
Plus que de l’importation
Chaque année, fibrEthik est appelée à prononcer une trentaine de conférences sur le commerce équitable, généralement devant les employés ou élèves qui vendront ou porteront les produits de coton bioéquitable. On y aborde notamment les avantages du commerce équitable pour les coopératives et entreprises d’économie sociale indiennes avec lesquelles fibrEthik fait affaire. Selon monsieur Faure, les employés ont le sentiment de « participer à un effort collectif d’amélioration du monde en général ». C’est pour eux un fort outil de motivation qui les amène à être plus fiers de leur entreprise.
Adopter le coton « bioéquitable » pour les uniformes d’entreprise ou scolaire, c’est bien. Mais pourquoi s’arrêter là? fibrEthik table sur une première conscientisation pour amener sa clientèle plus loin en lui offrant des services-conseils en développement durable. « Au- delà des produits, nous offrons de l’aide aux entreprises qui veulent prendre le virage vert et agir de façon responsable », explique le coordonnateur général. « Par l’entremise du vêtement, nous leur faisons voir les impacts qu’elles ont à d’autres égards, que ce soit leur consommation d’énergie, de papier ou autres. Le coton bioéquitable, c’est notre porte d’entrée pour les amener vers quelque chose de plus large. »
Un souci de réciprocité
La coopérative de solidarité vend aussi une gamme variée de produits de coton, dont des draps, serviettes et robes de chambre à des institutions du secteur hôtelier. Le tout en suivant scrupuleusement des règles de production respectueuses de l’environnement. Règles que la coopérative fibrEthik s’est, dans une large part, elle-même imposées.
« Dans une certaine mesure, les certifications équitables imposent des règles aux producteurs, mais n’en imposent que trop peu aux gens dans le Nord », affirme Marc-Henri Faure. « Si on impose des conditions strictes aux gens dans le Sud – de respect de l’environnement, notamment –, il faut se les imposer aussi au Nord. Sinon, ça ne sert à rien, on continue d’exploiter les gens pour notre bonne conscience ».
Chez fibrEthik, pas de t-shirts emballés individuellement. À quelques rares exceptions, l’importation depuis l’Inde se fait par voie maritime plutôt que par avion, le bateau étant 36 fois moins polluant que l’avion. C’est en raison de ce même souci de réciprocité que le choix du modèle coopératif s’est imposé de lui-même, au moment de fonder la coopérative : « Si tu veux créer une entreprise de commerce équitable, que tu la crées de toutes pièces et que tu sais qu’on demande aux gens dans les pays du Sud de s’organiser en coopérative, créer une entreprise privée d’une forme traditionnelle pour faire du commerce équitable n’est pas cohérent. Les gens du Sud s’organisent en coopératives, il n’y a pas de raison de ne pas s’organiser en coopératives ici. »
Lorsqu’on demande à Marc-Henri Faure où en sera la coopérative dans dix ans, il voit grand. « Il y aura une équipe d’une quinzaine de personnes. Je pense qu’il y aura deux fibrEthik : un fibrEthik qui va continuer à développer des produits bioéquitables de marque privée où la marque fibrEthik n’apparaîtra nulle part et un fibrEthik qui vendra des serviettes de bain, des draps de lit, des t-shirts sous la marque fibrEthik. Et peut-être des jeans. » Pourquoi pas? Après tout, nombreux étaient ceux qui prédisaient une courte vie à fibrEthik. « Très souvent depuis quatre ans, je me suis fait dire par des gens que j’allais me casser la gueule, que ça ne marcherait pas. Ces gens-là, je les ai revus, et ils m’ont demandé si mon entreprise existait encore. Oui, ça fonctionne toujours, et ça fonctionne bien. »
Coopérative de solidarité fibrEthik
5425, rue de Bordeaux, local 500
Montréal (Québec) H2H 2P9
514 563-1195