Bernard Motulsky, Rédacteur invité
Recherche effectuée en collaboration avec Christine Melançon, Tom Rigby et Nadège Broustau
La Chaire de relations publiques et communication marketing de l’UQAM a effectué en collaboration avec la firme de recherche Ipsos une étude internationale sur la façon dont les coopératives sont perçues. Les principaux résultats de ce travail ont fait l’objet d’une présentation lors du Sommet international des coopératives en 2012.
Comment a-t-on procédé?
Effectuée dans cinq pays (Canada, Royaume-Uni, France, Argentine, Japon) répartis sur quatre continents (Amérique du Nord, Amérique du Sud, Europe et Asie), la recherche s’est faite en utilisant la méthode des groupes de discussion (aussi appelés focus group). Dans chaque ville (Québec, Manchester, Paris, Buenos Aires et Tokyo), deux groupes ont été recrutés : le premier composé de membres de coopératives, le deuxième de non-membres pour voir s’il y a des différences significatives entre ceux qui les utilisent et les fréquentent et les autres. Chaque groupe comprenait une dizaine de participants, âgés entre 25 et 64 ans, moitié hommes moitié femmes. Et le fait d’être membre d’une coopérative devait avoir eu un effet positif sur les participants, tandis que le fait d’être non-membre devait avoir eu un effet négatif ou neutre (on a rajouté un effet neutre parce qu’il était trop difficile de recruter seulement des personnes ayant une perception franchement négative). La discussion durait près de deux heures.
Les groupes sous la direction d’un animateur (une canadienne pour Québec, Manchester et Paris, une argentine pour Buenos Aires et un japonais pour Tokyo. Dans ces deux derniers pays, une traduction simultanée en anglais nous permettait de bien saisir ce qui se disait). Les entrevues se sont déroulées au printemps 2012.
Quelques constats universels
Éléments de base
Sur quatre éléments de base, les participants étaient d’accord pour dire qu’il n’y avait pas de différence de qualité des produits et services entre les coops et les autres entreprises (sauf au Japon où on leur accorde une valeur supérieure), que les coopératives étaient inférieures aux autres en matière d’innovation et de recherche/développement, mais supérieures pour le service à la clientèle, qu’elles sont généralement moins populaires et moins bien connues que les autres. Finalement, sur les prix pratiqués, à Paris et Tokyo, les principes des coopératives de privilégier des produits locaux ou de faire appel à une main-d’œuvre locale entraîne des prix plus élevés, tandis qu’à Québec, Manchester et Buenos Aires, on estime que les coopératives ont plus tendance à pratiquer des prix avantageux au lieu de réaliser des marges bénéficiaires élevées puisqu’elles privilégient d’autres éléments que les profits.
Profil des individus
Chez les membres, les participants se regroupent en trois grandes catégories. La plus nombreuse, ce sont les moralistes qui croient au modèle coopératif et y adhère par conviction. On retrouve ensuite les chasseurs de qualité qui trouvent dans les coopératives des produits de meilleure qualité et un meilleur service. Finalement, les chasseurs d’aubaines pensent y trouver les meilleurs prix.
Pour les non-membres, la raison principale évoquée par la majorité d’entre eux, c’est la perception que les coopératives ne sont pas concurrentielles. On retrouve ensuite deux groupes à peu près égaux qui soit ne connaissent pas les coopératives de leur milieu soit s’en méfient. Dans ces deux cas, c’est clairement une absence ou une déficience dans les communications reçues qui génère cette attitude.
Les défis des coopératives selon les participants
Le principal défi que rencontrent les coopératives tient à leur croissance. Si l’on comprend facilement les principes de base du coopératisme, on voit mal comment ces principes peuvent être préservés dans une organisation de grande taille. Pour pratiquement tout le monde, les coopératives n’exposent pas suffisamment comment elles se différencient des entreprises traditionnelles et pourraient plus faire valoir les avantages tangibles et sociaux de faire affaire avec une coop.
Le même enjeu se retrouve en ce qui concerne la capacité d’innover et d’offrir des produits à la pointe du progrès. Les coopératives sont plus facilement perçues comme des organisations bien ancrées dans leur milieu mais de petite taille. Dès qu’il y a un doute sur la capacité d’une grande coopérative de préserver ses principes de base, on ne compare plus que les questions de prix et de qualité, là où les coopératives ne sont pas toujours dominantes.
Les principales forces des coopératives perçues par les participants sont d’ordre intangible (principe d’entraide, soutien communautaire, participation) alors que les faiblesses sont plus réelles (produits et services moins concurrentiels et moins innovants), mettant la table pour un enjeu de taille : démontrer son caractère hautement concurrentiel tout en préservant ses principes!
En conclusion, la recherche aura permis de constater que, malgré des différences culturelles importantes, les défis de perception auxquelles font face les coopératives se ressemblent beaucoup sur la planète : une sympathie bien acquise mais au prix souvent d’une impression de performance moindre. Un beau problème pour les communicateurs qui ont la tâche de faire connaître ce que les coopératives sont devenues aujourd’hui ou en voie de devenir – des organisations performantes dans le respect de leur origine.
Bernard Motulsky est titulaire de la Chaire de relations publiques et communication marketing de l’UQÀM et professeur au Département de communication sociale et publique de la même université.