Fédération des coopératives du Nouveau-Québec
Koralie Boyer
L’éloignement, les problèmes de logement, les contraintes linguistiques, un faible taux de scolarisation sont des difficultés que vit quotidiennement la population du Nord-du-Québec, un coin de la province dont on n’entend pas souvent parler. La Fédération des coopératives du Nouveau-Québec (FCNQ ) est toutefois bien présente pour assurer l’autonomie de la population et la croissance économique de la région.
Le tout a commencé par la Compagnie de la Baie d’Hudson, qui établissait plusieurs postes de traite à travers le territoire. Puis, en 1958, l’agent Murdoch et le Père Steinman ont fondé la première coopérative du Nord-du-Québec à Puvirnituq. « Les Inuits contrôlaient mal leurs prises lors de la chasse et de la pêche », raconte le directeur du développement économique de la FCNQ , Chhoan Sokchiveneath. « Les Inuits faisant aussi beaucoup de sculptures, ils ont voulu trouver un moyen de promouvoir l’art inuit », ajoute-t-il.
Avec le temps, plusieurs coopératives se sont regroupées pour former la FCNQ. Épaulant 14 coopératives réparties sur l’ensemble de son territoire, la FCNQ est là pour assurer le bon fonctionnement de sa population. « La Fédération n’est pas comme les autres coopératives, puisqu’elle soutient des coopératives qui sont toutes autonomes », explique monsieur Sokchiveneath. Les 14 coopératives s’occupent de services variés, allant du tourisme aux services de télécommunications. « Nous comptons en tout 14 magasins généraux, un service bancaire, un service postal, un service de location de locaux, de câblodistribution et d’Internet », énumère monsieur Sokchiveneath.
En tout, l’organisme compte 8 200 membres sur un total de 12 000 habitants. Ces chiffres démontrent eux-mêmes l’importance de la FCNQ pour la population du Nouveau-Québec. Le concept de fédération aide aussi les habitants du Nord à établir des relations avec les autres citoyens du Québec. « Nous accordons une grande importance au fait de créer un lien entre le Nord et le Sud », déclare monsieur Sokchiveneath. Cette organisation est le premier et le seul employeur non gouvernemental présent sur le territoire du Nord-du- Québec. La Fédération, en plus d’être rentable, est généreuse de ses profits. Par exemple, en 2011, la FCNQ avait fait 230 millions de dollars, et en 2012, 10 millions. « Une partie dite individuelle de nos profits est remise à nos membres, qui s’en servent comme fonds de pension », explique-t-il.
Par contre, les activités de la Fédération ne se font pas sans embûches. En effet, par son éloignement, la population inuite est désavantagée. « Tout coûte plus cher là-bas. Un billet d’avion pour aller au Nord coûte 3 000 $ », relate, à titre d’exemple, monsieur Sokchiveneath. « De plus, ce n’est pas toute la population qui parle français ou anglais. Certains ne connaissent que les dialectes inuits », ajoute-t-il. Ces inconvénients sont lourds de conséquences pour le marché de l’emploi du Nord-du-Québec. « La formation est difficile, confie l’homme. Le taux de roulement à la Fédération est de 300 % ». Malgré tout, l’organisme tient à donner la priorité aux Inuits lors de l’embauche de son personnel.
Les principales forces de la FCNQ résident dans le fait que 60 % de ses membres sont des jeunes et que la Fédération possède son propre système de standardisation. Malheureusement, selon monsieur Sokchiveneath, la population inuite est réticente au changement. Cela occasionne parfois des conflits entre les générations, puisque la plupart des membres siégeant au conseil d’administration sont plus vieux. « Les conflits intergénérationnels sont partout », excuse le directeur du développement économique. « Surtout depuis quelques années, il y a de gros problèmes d’alcool et de drogues… Mais les jeunes sont motivés et ont de bonnes idées, qu’ils sont capables de faire passer », déclare-t-il. Notons aussi que les anciennes traditions mettent un peu les bâtons dans les roues à cette nouvelle génération qui voudrait du changement. « Traditionnellement, les Inuits ne portent pas une grande attention à l’éducation, ils ne comprennent donc pas ce que ça pourrait leur apporter de plus », explique monsieur Sokchiveneath.
Parlant d’idées, la FCNQ a beaucoup de gros projets à venir pour les prochains mois et les prochaines années. « Nous suivons notre plan quinquennal et nous prévoyons rénover le magasin et l’hôtel », raconte l’homme. Mais les plans du gouvernement Charest risquent de changer la dynamique de la Fédération. Interrogé par rapport aux projets du gouvernement provincial de mettre en place le Plan Nord, qui est lui aussi un projet de grande envergure censé aider le marché de l’emploi sur le territoire du Nouveau-Québec, Chhoan Sokchiveneath semble plutôt mitigé. « C’est certain que ça va nous aider, admet-il. Mais c’est bien beau d’envoyer des gens dans les mines, mais les mines, un jour ou l’autre, vont s’épuiser. Il est encore tôt pour savoir si ça aura vraiment l’effet positif promis sur la population. »
Selon monsieur Sokchiveneath, avant de mettre sur pied un programme comme le Plan Nord, on devrait se concentrer sur l’application des mesures déjà en place, telles que le Plan Nunavik. Ce plan se compose de 12 points importants, soit : le logement, la santé, l’éducation, l’accès au territoire, les ressources minérales, l’énergie, le tourisme, le bioalimentaire, la faune, la culture et l’identité des habitants du Nouveau-Québec, les télécommunications ainsi que le développement des communautés. « Les technologies sont entrées dans le Nord, mais la population n’a pas encore accès à un vrai système d’égouts », dépeint l’homme.
Pour sa part, Chhoan Sokchiveneath souhaiterait pouvoir participer activement en instaurant une coopérative d’habitation et une coopérative de santé sur le territoire. « Le logement est un gros problème dans le Nord-du-Québec, alors que les familles se retrouvent souvent à faire vivre plusieurs générations ensemble, allant jusqu’à mettre 10 personnes dans un cinq pièces et demie, raconte-t-il. De plus, une coopérative de santé avec un service d’aide à la nutrition et des produits naturels aiderait la population inuite à mieux s’alimenter ».