< Retour à la liste des articles 15 octobre 2014

Un sauvetage d’entreprise réussi grâce au modèle coopératif

CTA FilSpec de Sherbrooke

Félix Delage-Laurin

« Il faudrait créer une loi pour obliger les entreprises en faillite de considérer la formule coopérative ! », s’exclame fermement Bernard Cournoyer. L’homme y connaît quelque chose. Il était président du syndicat des travailleurs de l’usine Cavalier Textiles, productrice de fils de toutes sortes, lorsque cette dernière, en 2002-2003, a déclarée faillite et s’est placée sous la protection de la Loi sur les créanciers. Lorsqu’on lui parle, on sent le caractère rassembleur, battant et dynamique de Bernard Cournoyer.

« On s’est dit, si personne ne veut racheter l’entreprise, pourquoi pas nous, les employés? ». Cournoyer s’est renseigné sur la formule CTA, la coopérative de travailleurs actionnaire, qui permet aux employés d’une entreprise d’acquérir un bloc d’actions et de devenir collectivement propriétaires de l’entreprise, en fonction du pourcentage d’actions acheté. « Dans notre cas, on a construit un plan d’affaires solide. On a trouvé un investisseur privé local, qui a cru dans notre tentative de sauver l’entreprise avec la formule CTA et qui a acheté 53% des actions. Desjardins Capital de Risque (DCR) a acheté 19,6% et un regroupement de cadres, composé des anciens cadres de Cavalier Textiles, a accepté d’acheter 13,7%. Il ne restait qu’à nous, les employés, d’acheter collectivement le 13,7% restant au moyen de la formule CTA. De cette façon, nous sauvions l’entreprise de la faillite et surtout, nous gardions nos emplois! ». La présentation du projet auprès des 200 travailleurs fut effectuée de façon très rigoureuse; 98% de ceux-ci ont entériné leur accord de fournir collectivement une mise de fonds de 250000$ nécessaire à l’obtention du prêt à DCR de 1500000$, valeur totale du bloc d’actions de 13,7%.

« Les gens qui travaillent ici font ça depuis qu’ils ont 16 ans. Si l’usine fermait, ils n’avaient rien devant eux. Il fallait quand même les convaincre de donner chacun 1000$ d’investissement pour partir la CTA et ensuite, qu’ils acceptent qu’à chaque paie, 5% soit retiré afin de contribuer à la CTA. Il n’y a rien de pire que de ne pas essayer, et on l’a essayé! », explique l’homme qui est aujourd’hui membre du conseil d’administration de la CTA FilSpec, qui sera finalement constituée en mai 2004.

Dix ans plus tard, le résultat est spectaculaire, malgré un passage difficile en 2004-2005, en raison de la mondialisation affectant le domaine du textile. « À l’époque, le gouvernement fédéral privilégiait de plus en plus l’importation du textile avec la Chine, notamment. Alors qu’avant, 50% de notre production était tournée vers la production de masse et 50% vers le fil spécialisé, nous avons dû faire un virage vers le fil spécialisé. Nous avons aussi fait les coupures nécessaires, en fermant notre siège social à Montréal, en coupant les salaires des employés de 10% et en abaissant de 5 % à 2 % le pourcentage de salaire demandé aux employés pour la CTA. »

Aujourd’hui, l’entreprise est sauvée grâce à la CTA. « Les travailleurs deviennent plus responsables. Tu leur donnes l’occasion de décider avec la CTA, qui détient deux sièges sur cinq au CA. En plus, la proportion de parts qu’ils détiennent dans l’entreprise a considérablement augmenté puisque l’actionnariat de la CTA est passé de 17% à 46% en D’ici 2018, on remboursera notre prêt de 1 500 000 $ et la CTA engrangera bientôt des dividendes. Mais ce qui me rend le plus fier, c’est que 47 personnes ont pu prendre leur retraite dans la dignité en 10 ans. Des gens qui ont travaillé dans l’entreprise toute leur vie ont pu prendre leur retraite au même endroit. C’est quelque chose de très important. », conclut Bernard Cournoyer.

FilSpec inc.

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