Mot du président
Pierre-Alain Cotnoir, Président de la CDR de Montréal-Laval
La résilience du monde coopératif lors de la tourmente des marchés financiers de 2008 est bien documentée, mais ce ne fut pas le sort pour plusieurs navires amiraux d’un capitalisme financier mondialisé. Ainsi, les États, par leurs gouvernements, ont dû injecter des milliers de milliards de dollars afin d’éviter que la chute des banques n’entraîne dans le désastre l’ensemble des échanges économiques. Pourtant la leçon ne semble pas avoir porté auprès de l’oligopole possédant les grandes organisations financières dites « systémiques » dont la banqueroute entraînerait par effet de domino une déroute économique.
Comme le souligne Frédéric Lordon dans l’édition de septembre 2014 du Monde Diplomatique, « égalité et démocratie vraie ne peuvent être réalisées quand la société est abandonnée à l’emprise sans limites du capital – compris aussi bien comme logique sociale que comme groupe d’intérêt »1. Or, ces deux vertus sont au cœur du modèle coopératif: l’égalité de chacun dans la prise de décision et la démocratie dans son exercice. Mais il y a plus comme le rappelle François Morin, l’un des rares économistes à avoir vu venir la crise de 2008:
Depuis la concrétisation de l’emprise de la finance globalisée et libéralisée sur la sphère des activités économiques, il y a une quinzaine d’années, on observe dans le secteur coopératif un renouveau, avec un retour aux valeurs fondatrices. L’économie sociale et solidaire s’affiche dès lors comme « la capacité de prise en charge collective par une population sur un territoire donné des affaires qui la concernent ». Et cela passe par la création de propriétés collectives, de façon à permettre aux gens de prendre leurs affaires en main. Les idées d’enracinement dans un territoire, d’ancrage local, d’innovation sociale, et de démocratie directe constituent les mots-clés de ce renouveau.2
Il importe donc que l’engagement coopératif apporte des réponses aux dérives d’un capitalisme financier débridé qui non seulement creuse encore les écarts entre le 1% et le 99%, mais de surcroît menace les équilibres planétaires dont nous dépendons tous. Ce n’est donc pas seulement pour des motifs économiques que le modèle coopératif s’avère nécessaire, mais également pour des motifs écologiques. Aussi, pour conclure, je cèderai la parole à deux écologistes bien connus au Québec, Steven Guilbeault et François Tanguay : Si les coopératives ont mieux résisté aux crises économiques, la raison est simple : l’intérêt collectif, celui des membres, y passe avant celui des happy few qui reprennent leurs billes et partent avec leur bonus de toutes sortes dès que l’insécurité économique s’installe.
Les valeurs du coopératisme sont tout à fait compatibles avec une gestion responsable des avoirs communs. L’un ne saurait même aller sans l’autre. On ne peut piller, abuser, exploiter la spéculation et imaginer, une fois le dommage fait, qu’il suffira de jouer dans les colonnes de chiffres et produire un rapport annuel sur le développement durable pour avoir une approche responsable envers les richesses à notre disposition. Il est plus que temps de passer aux actes.3
Qu’ajouter de plus, sinon s’engager!
- Le Monde diplomatique, septembre 2014, page 18.
- François Morin, 2011, Un monde sans Wall Street ? Éditions du Seuil, page 162.
- Steven Guilbeault & François Tanguay, 2014, Le prochain virage, Éditions Druide, page 98.Éditorial