Coopérative de car-sharing à Vancouver
Alexandre Couture
Au moment où les effets des changements climatiques se font de plus en plus sentir, plusieurs personnes optent maintenant pour de nouvelles habitudes écoresponsables. Une de celles-ci est le partage de voiture, un concept qui connaît une popularité fulgurante un peu partout dans le monde. Dans la région de Vancouver, Modo car-sharing se démarque particulièrement par sa structure coopérative où toutes les décisions sont prises dans l’intérêt des membres.
Fondée par Tracey Axelsson, la coop Modo (anciennement connue sous le nom de Co-operative Auto Network), a ouvert ses portes en 1997. L’instigatrice du projet se targue d’être à l’origine de la deuxième plus vieille compagnie offrant ce genre de services en Amérique du Nord, tout juste derrière l’entreprise québécoise Communauto.
L’inspiration est venue de son propre quotidien. Dans les années 1990, Mme Axelsson a décidé de se départir de sa voiture pour des raisons environnementales. Elle devait néanmoins trouver un moyen de rendre visite à sa grand-mère qui habitait dans un quartier mal desservi par les transports collectifs. C’est à ce moment que l’idée d’un service de partage de voiture est née.
Mme Axelsson s’est inspirée de différents modèles européens pour mettre sur pied sa coopérative. «Après avoir obtenu un prêt de 20000$ d’une banque de Vancouver ainsi qu’un autre prêt de 20000$ de The Co-operators insurance company, j’étais prête à me lancer dans l’aventure », se rappelle-t-elle avec un brin de nostalgie.
Elle recrute alors une poignée de partenaires (dont son mari) et quitte son emploi dans une agence de communications. Avec l’argent reçu sous forme de prêts, l’ancienne élève de l’Université Simon Fraser achète ses quatre premiers véhicules. « Je prenais les réservations à n’importe quelle heure du jour, se souvient-elle. Même chose en cas d’urgence, j’offrais un service 24h sur 24, 7 jours sur 7».
Malgré des débuts modestes, Tracey Axelsson était confiante. «Pour moi ce n’était pas risqué, l’avenir du partage de voitures était si reluisant», explique celle qui avait 27 ans à l’époque.
Une progression soudaine
Force est d’admettre que Mme Axelsson a gagné son pari. Même si celle-ci a quitté la compagnie en 2008 après 11 ans de loyaux services, Modo a poursuivi sa progression tout aussi éclatante que rapide dans les dernières années. La coopérative a connu une hausse de 500% à sa première année et de 300% la suivante, des chiffres impressionnants pour une jeune entreprise.
Début 2015, 13 000 membres se partageaient 400 véhicules dans 11 municipalités de la région métropolitaine de Vancouver. «Ce n’est que le début pour nous, le marché du partage de voitures a un potentiel infini ou presque », s’exclame la directrice du marketing, Selena McLachlan.
La ville qui a comme devise « By Sea, Land, and Air We Prosper » est reconnue comme étant très avant-gardiste par rapport à l’environnement; le Festival Car Free Day existe même depuis 11 ans. Cet événement qui se tient sur deux jours permet aux festivaliers de redécouvrir Vancouver avec différentes activités intérieures et extérieures, et ce sans voiture. Des milliers de personnes ont participé à la dernière édition qui se tenait en juin dernier.
Sarah McLachlan, qui a jadis travaillé à Mountain Equipment co-op, est catégorique, les 18 à 35 ans ne veulent plus être propriétaires de voitures en ville pour des raisons environnementales et financières. « Ceci dit, l’utilisation d’une voiture d’une manière sporadique est incontournable, poursuit-elle. Que ce soit pour faire des courses ou visiter des amis, la voiture est encore très pratique».
Le fait d’être une coopérative nous oblige à investir intelligemment
Le modèle coopératif
Modo est en quelque sorte victime de son succès, plusieurs compétiteurs se sont attaqués au marché du partage de voiture depuis les dernières années. Dans la seule ville de Vancouver, au moins trois autres compagnies (Evo, Car2Go et ZipCar) offrent un service semblable. «Heureusement, le fait d’être une coopérative nous rend uniques», explique Mme McLachlan.
Selon elle, la structure coopérative permet de combler les besoins de ses membres en leur donnant un pouvoir décisionnel. «Le fait d’être une coopérative nous oblige à investir intelligemment, poursuit Sarah McLachlan. Nous avons des comptes à rendre à nos membres… après tout c’est aussi leur argent que nous dépensons ». Cette manière de penser permet à la compagnie de garder les deux pieds sur terre et garder en tête que les membres sont la priorité.
Ainsi le partage de voitures s’inscrit dans le courant de l’économie sociale et rejoint directement les valeurs des coopératives. Quand l’intérêt public surpasse l’intérêt financier, les utilisateurs en ressortent gagnants sur toute la ligne. Le slogan de Modo résume bien cette philosophie : « Driven by people, not profits », qu’on pourrait traduire par « Motivé par les gens et non par les profits ».