Anne-Gabrielle Ducharme
En 2012, lorsque le propriétaire de la station de ski du Mont-Orignal a annoncé sa fermeture imminente, c’est toute la population du Lac Etchemin qui fut alarmée. La montagne est un effet un joyau économique pour la région. Retour sur une opération de sauvetage à saveur de coopérative.
« Un mouvement de mobilisation s’est aussitôt mis en place. C’est un endroit très prisé », raconte l’actuel directeur général, Marc Lacroix. Ce dernier était à l’époque chef de patrouille, et joua un rôle de leader au moment de rassembler les fonds requis au secours de l’entreprise.
Éviter le pire
« Il fallait éviter la catastrophe », soutient Lacroix. Cette catastrophe, c’était notamment assister à la perte de soixante-dix emplois et à une dévalorisation considérable des propriétés des alentours. Pour ce faire, la conversion en une coopérative de solidarité a prévalu. Skieurs épris de la montagne, propriétaires de chalets et employés ont acheté des parts, sans compter la participation de Desjardins et de la municipalité. Le tout, pour un total de 62 contributeurs.
Précisons que ces membres de soutien reçoivent comme seul avantage le droit de vote aux assemblées générales annuelles, où sont discutées les grandes orientations de la gestion de la station. « Aucun rabais ni ristourne ne sont octroyés aux contributeurs. Ils ont agi dans le but de sauver un lieu cher à la collectivité », illustre la responsable de la gestion administrative, Krystel Audet.
La coop s’impose
Tout comme pour l’ensemble du secteur de la villégiature, la viabilité d’un centre de ski dépend en grande partie de facteurs hors du contrôle de ses gestionnaires. Pensons notamment aux conditions météorologiques et au contexte économique global. C’est d’ailleurs ce qui a refroidi les investisseurs privés à faire l’acquisition du Mont-Orignal : « Ce serait impossible de fonctionner sous un autre mode de gestion. C’est beaucoup trop cher et difficile à exploiter pour le privé », résume Kristel Audet.
Le modèle coopératif semble avoir eu une incidence positive, d’une part sur les emplois de la région, et d’autre part, sur la culture organisationnelle de l’entreprise : « Un grand changement s’est articulé avec le passage au mode coop », explique Audet. Le but demeure de faire des profits, mais afin d’investir ces derniers dans la station. Cela a nécessairement une influence sur les employés », poursuit-elle. « C’est tous pour un ici », rajoute son directeur.
Le sauvetage du Mont-Orignal: un modèle à promouvoir
Pour l’agente du bureau de Montréal-Laval de la Coopérative de développement régional du Québec, Nada Elkouzi, ce type de récupération par des employés est un modèle trop peu connu. « Une telle reprise permet d’assurer une relève par des individus déjà impliqués dans l’institution », élabore-t-elle. Dans le cas du Mont-Orignal, ce sont en effet des employés, bénévoles et usagers de la station qui ont mis la main à la pâte.
La conversion en une coopérative de solidarité a prévalu
« C’est beaucoup trop cher et difficile à exploiter pour le privé »
« Ce type de récupération par des employés est un modèle trop peu connu »
Or, l’agente fait part d’une précision importante : « c’est un modèle très intéressant lorsqu’il s’agit d’assurer une relève. Par contre, si c’est pour sauver une compagnie sur le bord de la faillite, on ne risque pas d’obtenir les résultats escomptés », avance-t-elle. En effet, la perte de viabilité financière repose le plus souvent sur des facteurs relatifs à un secteur d’activité. « Le modèle coop ne peut alors pas changer grand-chose », conclu-t-elle.
Le Mont-Orignal est ainsi un bon exemple où le modèle coop a assuré la pérennité d’une entreprise souffrant certes d’un manque de repreneurs, mais pas d’appuis.