< Retour à la liste des articles 15 octobre 2011

Maîtres de leur outil de travail

Coopératives de travailleurs actionnaire TEC

Gaétan-Philippe Beaulière

Depuis sept ans, l’entreprise de nouvelles technologies TEC (Technology Evaluation Centers) a en son sein une coopérative de travailleurs actionnaire (CTA). Un partenariat qui avantage tant l’entreprise que ses employés, selon le président de la CTA, monsieur Pascal Perry.

L’idée de créer une CTA est d’abord venue des dirigeants de TEC. Pascal Perry, qui assume la présidence de la coopérative depuis sa fondation, se souvient qu’« ils ont entendu parler du modèle de la CTA et de tous les avantages qu’elle procurait, aussi bien pour l’entreprise que pour les employés ». Le personnel a adhéré avec enthousiasme à la proposition de fonder une telle coopérative. La CTA a donc été mise sur pied avec l’aide de la Coopérative de développement régional (CDR) Montréal-Laval. Le tout s’est fait dans une volonté de permettre aux employés de bénéficier de la croissance de l’entreprise.

C’était en 2003, et l’entreprise venait tout juste de réaliser une importante restructuration pour se concentrer sur l’évaluation de progiciels, des logiciels spécialisés gérant les processus opérationnels d’une entreprise, comme la comptabilité. TEC a alors mis au point un système disponible en ligne qui permet à ses clients de choisir les progiciels convenant le mieux à leurs besoins selon un ensemble de critères détaillés. « Un service utile, compte tenu du coût élevé de l’implantation de ces progiciels, qui peut aller de plusieurs centaines de milliers à plusieurs millions de dollars », selon Pascal Perry.

D’emblée, les employés n’ont pas voulu faire les choses à moitié. « La direction a proposé ce modèle, mais ce sont les employés qui ont pris la décision finale en assemblée générale. Toutefois, il était essentiel pour nous que tout le monde embarque dans le même bateau et cotise au maximum. » Les participations à la CTA ont donc été « plafonnées » au maximum admissible et l’adhésion des nouveaux employés à la coopérative est devenue obligatoire une fois leur permanence confi rmée. Depuis, les employés cotisent 18 % de leur salaire ou le maximum fi xé par Revenu Québec, qui s’élevait à environ 22 000 $ en 2010. Bill Carson, secrétaire de la CTA par intérim, y voit un avantage pour les membres du personnel, qui n’ont d’autre choix que de commencer à épargner pour leurs vieux jours. « La plupart des gens attendent jusqu’à la quarantaine et même la cinquantaine pour contribuer à un REER. C’est trop tard! Il faut commencer dans la vingtaine », affirme-t-il.

Animation et renforcement
L’entreprise a vite grandi, le nombre de membres de la CTA a presque doublé. De 46 au moment de la fondation, il est passé à environ 100. Pascal Perry et ses collègues doivent réaliser un important travail d’« animation et de renforcement » auprès des membres de la coopérative afin de promouvoir les avantages de ce modèle. Bill Carson ne cache pas que beaucoup d’employés ont de la difficulté à saisir le fonctionnement de la CTA et ses avantages sur le plan fiscal : « L’idée que tout le monde puisse devenir propriétaire de la compagnie semble incroyable ! »

« Il faut vendre la CTA presque tous les jours », révèle monsieur Perry, qui doit fréquemment rassurer les gens et leur garantir que leur contribution vise non pas à enrichir la CTA ou la compagnie, mais bien à accumuler un REER, dans un pool qui permet à la coopérative d’être actionnaire de l’entreprise. « Mais quand on rencontre nos employés en personne, un à un, ils comprennent davantage », raconte monsieur Carson.

Chaque mois, la CTA verse 50 000 $ à TEC, soit 600 000 $ annuellement. Aujourd’hui, elle détient plus de 50 % des actions de l’entreprise, comparativement à environ 10 % au moment de sa création. Peut-on considérer que la coopérative représente une forme de relève pour l’entreprise ? « Ce sont les employés qui deviennent maîtres de leur outil de travail. Si c’est ce qu’on entend par relève, oui », dit le président de la CTA, qui indique au passage qu’elle continuera à acquérir des actions de l’entreprise.

Les avantages que la CTA procure à l’entreprise sont évidents : « C’est autant d’argent qu’elle n’a pas à aller chercher sous forme de débentures, de prêts ou de participation d’investisseurs extérieurs, etc. », explique Pascal Perry.

Ce qu’en retirent les employés
Mais quels avantages les employés en retirent-ils ? Ont-ils leur mot à dire dans la gestion de l’entreprise ? « Tout à fait », répond Pascal Perry. Il s’empresse d’apporter un bémol : « Il faut quand même modérer la chose. Les employés ne sont pas là pour dire à l’entreprise comment gérer ses aff aires. Les employés ne sont pas responsables de la gestion d’une entreprise. Ce n’est pas parce que les employés estiment qu’il faut prendre telle ou telle orientation que l’entreprise doit automatiquement le faire. Un dirigeant d’entreprise a certaines capacités que la CTA n’a pas nécessairement. »

En plus des gains réalisés sur leurs investissements, les employés ont un accès privilégié à l’information, selon le président. « Les employés ont une vision transparente de la situation financière de l’entreprise. Ils peuvent donc avoir confiance en les décisions qui sont prises », révèle-t-il. Pascal Perry estime que cela peut s’avérer précieux, surtout en période de crise économique, où l’incertitude quant à la santé fi nancière de l’entreprise pour laquelle on travaille peut être angoissante. Qui oserait le contredire ?

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