< Retour Ă  la liste des articles 10 octobre 2019

Le droit est-il soluble dans les valeurs coopératives?

Il se pourrait que vous soyez aux prises avec un problème juridique de nature civile qui risque de s’envenimer et qui vous rend évidemment inquiets de la tournure des choses.  À ce stade, vous auriez probablement déjà tout tenté pour éviter une escalade pouvant s’avérer longue et coûteuse. 

Vous ne seriez pas les premiers à avoir ces préoccupations et la question de l’accessibilité à la justice a fait l’objet de nombreuses discussions et mesures législatives par le passé. Depuis le 1er janvier 2016, le législateur a introduit une nouvelle réforme de la procédure civile québécoise, dans l’espoir que la culture entourant le litige soit modifiée. Le premier réflexe ne devrait plus être le recours aux tribunaux, mais plutôt considérer les modes alternatifs de prévention et de règlements de différends. Le but étant évidemment de favoriser une solution rapide et économique.

Mais, il y a parfois loin de la coupe aux lèvres. La complexité des situations rend souvent difficile l’évaluation des risques liés aux litiges. Et bien qu’il soit toujours possible de bénéficier des conseils de conseillers juridiques à cet égard, il reste que cette évaluation se fait souvent dans un contexte émotionnel difficile qui peut rendre illusoire le succès possible d’une négociation ou une médiation à ce stade.

Pour favoriser ce choix, selon quelques décisions judiciaires, il semble que les valeurs coopératives soient un élément supplémentaire pour encourager le recours aux modes alternatifs.

Déjà, en 2013, la Cour supérieure du Québec soulignait dans un jugement que les valeurs coopératives et le recours aux tribunaux sont compatibles avec beaucoup de précautions, surtout entre membres.  En épilogue à son jugement, le juge écrivait :

« Compte tenu des valeurs coopératives auxquelles disent adhérer les deux parties, il est surprenant que le recours aux tribunaux ait été rendu nécessaire pour solutionner ce différend entre elles; il n’y a ni victoire, ni défaite dans ce dénouement. »

Dans un autre jugement de la Cour supérieure du Québec, datant de 2017, le tribunal soulignait que les événements qui sous-tendaient le litige auraient dû normalement faire l’objet d’une médiation, tel que le prévoyait le contrat de membre de la coopérative ainsi que le Code de procédure civile du Québec :

« Malheureusement, les parties se sont privées de cette possibilité. Le Tribunal est d’avis qu’il est dans l’intérêt « [des ] personnes ou sociétés qui ont des besoins économiques, sociaux ou culturels communs et qui, en vue de les satisfaire, s’associent pour exploiter une entreprise conformément aux règles d’action coopérative » de sérieusement considérer ce mode de règlement des différends avant de s’adresser aux tribunaux de droit commun. »

En appel, le tribunal rappela aux procureurs l’opportunité pour les parties de voir si le différend pouvait trouver un règlement par voie de médiation et les invita  à communiquer avec leurs clients respectifs à cet effet.  Ce rappel ne fut pas vain, car les parties eurent recours à une conférence de règlement à l’amiable qui mit fin au litige.

Les modes alternatifs font dorénavant partie du processus judiciaire. Aussi bien y consacrer toute l’énergie nécessaire à son succès, dès la phase initiale de négociation. 

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