Coopérative pomicole du Lac des Deux-Montagnes
Lysanne Croteau
L’année 2007 aura été une année record pour l’industrie de la pomme au Québec. Il y a alors tellement de pommes récoltées que les producteurs ne parviennent plus à trouver d’acheteurs. Frappé par cette réalité, Marc Vincent, producteur dans les Basses-Laurentides, se retrouve au bord de la faillite. Cette épreuve fait naître en lui un désir de renouveau. Il se plonge alors dans la lecture d’une panoplie d’ouvrages traitant des coopératives.
Cette nouvelle passion se transpose peu à peu dans la réalité. Marc Vincent commande une étude de faisabilité dans l’optique de mettre sur pied une coopérative d’emballeurs. L’étude révèle que la meilleure option est d’acheter une compagnie d’emballage déjà existante. Afin d’élaborer un modèle d’affaires viable et de pouvoir comparer toutes les possibilités en ce qui a trait aux technologies d’emballage, monsieur Vincent visite des entreprises d’emballage d’ici et d’ailleurs; il se promène en Nouvelle-Écosse, en Ontario, en Colombie-Britannique, en Italie, en France, en Hollande et aux États-Unis.
La Coopérative pomicole du Lac des Deux-Montagnes est constituée le 20 mars 2009. Depuis ses débuts, cette coopérative de producteurs qui compte désormais 22 membres provenant principalement des Basses-Laurentides, mais aussi des régions de Québec et de la Montérégie, a investi des sommes s’élevant à plus de 5,5 millions de dollars. Ils sont maintenant propriétaires du plus important poste d’emballage au Québec, Naturpac, où ils ont renouvelé l’ensemble de l’équipement.
La coopérative a aussi acquis un verger à Oka, et des entrepôts à atmosphère contrôlée, pour nous offrir des pommes toute l’année. Ces acquisitions leur permettent d’emballer et de distribuer leurs pommes dans les trois plus grandes chaînes d’alimentation du Québec. Une étude de faisabilité est en cours afin de réaliser la dernière phase du projet initial, soit d’effectuer la transformation de la pomme.
Jean Fortier, l’ancien propriétaire de Naturpac, est devenu le directeur général de l’entreprise au lendemain de la vente. Il pensait lui-même, depuis plusieurs années, que les producteurs auraient intérêt à prendre en main l’ensemble de la production pour en retirer le maximum de bénéfices. Il ajoute même que « c’est un défi intéressant, car plusieurs personnes de l’industrie doutent que ça puisse fonctionner, alors que nous, nous en sommes convaincus. »
Pour sa part, monsieur Vincent soutient que les avantages de devenir membre sont nombreux. En joignant les rangs de la coopérative, les producteurs s’assurent de vendre toutes leurs pommes, ce qui n’est pas négligeable étant donné les grandes difficultés que connaît le milieu au Québec. En effet, la rentabilité est souvent difficile à atteindre et les producteurs vivent un stress constant. Plusieurs membres ont retrouvé le goût de continuer, d’investir de nouveau dans leur entreprise. Cette nouvelle réalité facilite la promotion de la production de la pomme auprès de la relève. Les jeunes recommencent à exprimer leur désir de s’aventurer dans l’industrie pomicole.
La coopérative permet aussi au producteur de retirer le maximum d’argent de la vente de ses fruits. En devenant propriétaire de l’entreprise d’emballage, un intermédiaire est retiré de la chaîne de production. Auparavant, les relations étaient souvent houleuses entre les producteurs et les emballeurs, car les producteurs considéraient que les emballeurs déclassaient beaucoup trop de leurs pommes. Ils avaient l’impression d’être arnaqués. Ainsi, les producteurs retrouvent une confiance perdue dans l’industrie et un sentiment d’équité.
Cette confiance a pourtant été ébranlée de nouveau au cours de l’année dernière, particulièrement difficile pour la coopérative. Beaucoup plus de pommes ont été déclassées. Les membres ont alors eu à se questionner à savoir s’ils devaient abaisser leurs critères de qualité pour augmenter leurs revenus. Ils ont finalement décidé de choisir la qualité, en étant assurés que cette décision serait plus profitable à long terme.
Les membres sont d’ailleurs réconfortés d’apprendre que bien que le déclassement ait été plus élevé l’année dernière, la coopérative a tout de même réussi à augmenter de 10 % ses ventes, comparativement à l’année précédente. Et malgré l’arrivée de la technologie dans l’entreprise, Naturpac n’a subi aucune baisse du nombre d’employés. Si la tendance se maintient, ces emplois seront encore assurés, car une augmentation de 20 % est prévue cette année.
Ces prévisions favorables laissent présager le meilleur pour l’avenir de la coopérative. Le président souligne que son souhait est « de mobiliser le plus grand nombre de producteurs à la solution coopérative ». Il désire rallier au moins le tiers des producteurs de pommes du Québec. Son but est de leur redonner le goût de rêver, d’investir sur leurs terres et de tenter la production de nouvelles variétés de pommes. La force du nombre pourra ainsi leur permettre d’éliminer la trop grande quantité de pommes importées présentes dans nos épiceries. Marc Vincent a une vision d’avenir bien claire : la Coopérative pomicole du Lac des Deux-Montagnes deviendra le leader de la pomme au Québec. Rien de moins!