Madeleine Huberdeau
Nous sommes sept milliards d’humains sur terre, dont près d’un milliard qui souffre de la faim. Selon des perspectives publiées par les Nations Unies, la population devrait atteindre 8,1 milliards en 2025 et près de 9 milliards en 2050. Cette croissance démographique mobilisera des millions d’hectares supplémentaires de terres à des fins non agricoles, notamment pour répondre à des besoins de logement. Cela signifie plus de bouches à nourrir, moins de surfaces cultivables et une forte augmentation des besoins alimentaires.
2014, année internationale de l’agriculture familiale
Il est évident qu’une partie de la solution passe par une augmentation de la productivité, mais elle ne se réduit pas seulement à un enjeu productif. De plus en plus de voix s’élèvent pour réclamer aussi des changements structurels de l’agriculture. Daryll E. Ray, de l’Agricultural Policy Analysis Center estime, après analyse de modèles historiques et contemporains: « (…) l’un des éléments essentiels pour réduire la faim dans le monde sera de prendre au sérieux l’agriculture des petits exploitants, en les fournissant avec un niveau de recherche publique et de suivi leur permettant de se nourrir et de nourrir leurs familles. »
Même son de cloche de la Banque mondiale qui, dans un rapport publié en 2007, affirmait notamment le caractère essentiel des systèmes agricoles locaux pour prévenir ou s’adapter aux changements climatiques, la nécessité de revaloriser les paysans pour lutter contre la pauvreté et l’urgence de politiques agricoles nationales solides.
Cette orientation suppose alors que les gouvernements s’imposent face à de puissantes multinationales – semences, OGM, agroalimentaires – et à de grands propriétaires terriens dont les intérêts et le modèle agricole sont autres (fonction strictement productive, monoculture, exportation, etc.).
Les coopératives, un modèle à promouvoir
Dans ce contexte, les coopératives semblent être un modèle tout indiqué. « Les coopératives ont effectivement une longueur d’avance économique, sociale, démocratique et environnementale, reconnaît Jean-François Harel, secrétaire général, développement durable et affaires coopératives à La Coop fédérée. Son modèle de distribution de la richesse est basé sur l’usage. Les coopératives sont dirigées par leurs membres et elles sont bien ancrées dans leur milieu. Au Québec, par exemple, les fermes se transmettent de génération en génération. Les notions d’enracine- ment local des producteurs et de proximité avec les consommateurs et les marchés locaux sont donc très présentes. »
Qu’en est-il de l’enjeu de productivité que fait peser la croissance démographique? « Dans les pays du Nord, dont le Canada, les rendements sont généralement bons, estime M. Harel. Nous avons quand même des défis à relever, notamment nous adapter aux changements climatiques et pratiquer une agriculture productive tout en réduisant notre empreinte environnementale. Dans les pays en développement, la productivité est moindre et l’impact environnemental est souvent plus grand à cause entre autres du manque de connaissances et de techniques performantes. »
Les causes de la faim
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« Les coopératives ont une longueur d’avance économique, sociale, démocratique et environnementale. »
Information et formation à la base du succès
C’est dans la nature même des coopératives de faire de la formation. La Coop fédérée ne fait pas exception à la règle. « L’information est importante, insiste Jean-François Harel. À cet égard, nous avons un réseau de 300 agronomes qui accompagnent nos membres, qui les conseillent. L’objectif est de les aider à améliorer leurs rendements afin de leur assurer une meilleure profitabilité tout en réduisant leur empreinte environnementale. » C’est là tout un défi! « Dans la mesure où l’avenir de l’agriculture passe par la science et une meilleure application de la science, poursuit M. Harel, l’éducation et l’accompagnement de nos membres seront d’autant nécessaires. On peut critiquer le recours à certaines techniques ou l’emploi de certains engrais. Le problème n’est cependant pas toujours la technique ou l’intrant mais un mauvais usage de la technique ou du produit. »
La coopération sans frontières
Comme la coopération ne connaît pas de frontières, les coopératives du Québec sont également très actives à l’échelle internationale. À preuve, la création en 1985 par des entreprises coopératives et mutualistes québécoises de la Société de coopération pour le développement international (SOCODEVI). Cette organisation sans but lucratif favorise la rencontre entre le mouvement coopératif et mutualiste du Nord et du Sud. Elle permet le partage d’expertise et de savoir-faire afin d’aider les populations locales à se prendre en main.
Depuis plus de 20 ans, La Coop fédérée soutient activement SOCODEVI. « Nous avons des projets dans quelques pays dont l’Ukraine et la Bolivie, précise M. Harel. Nous conseillons les organisations ou les entreprises locales sur le modèle coopératif, nous mettons à leur disposition les meilleures pratiques et techniques. Cela permet à des communautés de se nourrir à meilleur compte, de disposer de produits de meilleure qualité et d’augmenter leur production. Les surplus qu’ils dégagent sont vendus, et les revenus qu’ils en tirent permettent d’améliorer l’organisation du village, bâtir une école par exemple. »
Depuis ses débuts, le réseau d’institutions membres de SOCODEVI a réalisé plus de 700 missions d’assistance technique dans une quarantaine de pays rejoignant ainsi plus de 12 millions de personnes. Ces collaborations équivalent à 90 années de travail bénévole pour les institutions participantes!
Nourrir l’humanité et protéger la planète
Et le développement durable dans tout cela ? À la lumière des perspectives démographiques et de l’état de la planète, « répondre aux besoins d’aujourd’hui sans compromettre la capacité de satisfaire à ceux des générations à venir » ne sera pas une mince tâche. Selon le rapport Agriculture biologique et sécurité alimentaire, publié en 2007 par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le développement de l’agriculture biologique, entre autres, peut être une réponse au problème alimentaire tout en contribuant à la lutte contre les changements climatiques. Les techniques d’agriculture biologique, d’agroforesterie, de cultures sous couvert végétal et de permaculture** favorisent la fixation des gaz à effet de serre (carbone) dans les sols et le maintien de la biodiversité qui permet une diversité de productions alimentaires et d’autres produits (fibres, plantes médicinales…).
Les solutions seront bien évidemment plurielles mais la révision du modèle alimentaire dominant, basé strictement sur une logique productive, semble un incontournable. Saurons-nous le faire ?
La Coop fédérée La Coop fédérée a été fondée en 1922. Elle est la plus importante entreprise agroalimentaire au Québec et se classe parmi les 100 coopératives et mutuelles les plus importantes au monde. La Coop fédérée, c’est:
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* La sécurité alimentaire est l’accès pour tous, à tout moment, à une nourriture en suffisance permettant de mener une vie saine et active.
** La permaculture est un mode d’aménagement écologique du territoire, visant à concevoir des systèmes stables et autosuffisants et à produire de la nourriture en renforçant l’écosystème.