Sophie Chartier
Dans l’une des villes les plus touchées par la pauvreté aux États-Unis, l’entreprise coopérative de soins à domicile Home Care Associates poursuit une mission en deux axes: offrir des traitements de qualité aux aînés, tout en proposant un emploi décent à une population de travailleurs précaires.
La ville de Philadelphie, en Pennsylvanie, est l’une des agglomérations américaines les plus touchées par la pauvreté. Le taux de personnes y vivant sous son seuil avoisine les 25%, alors que le taux national américain oscille autour de 13%. La ville est aussi connue comme l’une des plus violentes au pays, avec un taux de 22 meurtres par 100000 habitants, alors que la moyenne à l’échelle nationale était de 4,7 meurtres recensés pour 100000 habitants, en 2012. De plus, le taux de chômage y est élevé et il peut être difficile pour les travailleurs en situation de précarité, en particularité les femmes issues des minorités raciales et ethniques, de trouver un travail stable qui permet de subvenir à leurs besoins de base.
Basée à Philadelphie, Home Care Associates est une entreprise offrant des soins à domicile aux personnes âgées, malades ou à mobilité réduite. Ses services incluent l’aide en soins médicaux, l’assistance personnelle et l’accompagnement, et les travaux ménagers. Pour ses employés et fondateurs, l’atteinte d’une société plus juste passe par une combinaison simple: de bons soins grâce à de bons emplois. Home Care Associates fait depuis plus de vingt ans le pari qu’en réduisant l’instabilité chez les travailleurs, ses clients bénéficieront de meilleurs soins. Et jusqu’ici, l’entreprise ne s’est pas trompée. De plus, en permettant aux employés de devenir actionnaires de l’organisation, Home Care Associates contribue à augmenter l’autonomie de ses employés.
Créateur d’emploi
Fondée en 1993, l’entreprise emploie plus de 250 personnes, à 83% des femmes, et est active dans toute la région philadelphienne. « Le but de Home Care Associates est d’offrir un suivi positif pour nos bénéficiaires, tout en donnant des emplois à revenu décent à des personnes plus fragiles, explique par courriel Karen Kulp, présidente-directrice générale de la coopérative depuis 2002. Nous savons qu’en Pensylvanie du moins, le poste de préposée aux bénéficiaires est l’une des professions les moins stables et les moins bien rémunérées du domaine de la santé. Ainsi, nous offrons des emplois d’abord à une population composée de femmes racisées, leur permettant l’accès à un salaire au-dessus des moyennes offertes dans le secteur de l’aide à domicile, en plus des avantages sociaux. » Les soignants de HCA ont droit à des congés payés, une assurance maladie, une assurance vie, un régime de retraite, et un laissez-passer mensuel de transport.
De plus, afin de rompre avec une tradition de petits boulots à temps partiel, bien présente dans la réalité des travailleurs en soins à domiciles, Home Care Associates offre des horaires à temps plein, avec une moyenne de 38 heures d’ouvrage par semaine. Dans une ville où le taux de chômage atteint 11% (celui des États-Unis tourne autour de 6%), l’entreprise de soins à domicile est un pôle d’emploi non négligeable pour les personnes à peu de ressources. En intégrant sur le marché du travail des femmes fragilisées et vivant souvent en situation de marginalisation, HCA permet à tout un pan de la population de Philadelphie d’accéder à leur indépendance.
L’importance d’une formation
Outre sa vocation coopérative, l’agence se démarque par l’important investissement qu’elle fait auprès de ses nouvelles recrues. Afin d’offrir la meilleure aide possible à ses clients, Home Care Associates a mis sur pied une formation des plus pointues. « Au cours de la formation de quatre semaines qui attend les nouveaux employés, une quarantaine d’heures est réservée à la formation clinique, 25 heures serviront à développer les aptitudes en soins des personnes, 4 heures d’observation et 6 heures d’essai sur le terrain sont prévues, puis nous complétons avec 25 heures de formation en compétences « humaines », nécessaires au travail d’aide aux personnes», ajoute Mme Kulp. Les candidats recherchés pensent en fonction de la résolution de problèmes et la recherche efficace de solution. « Sur un lot de près de 300 candidats, nous sélectionnons une vingtaine de nouveaux employés pour lancer les programmes de formation, dit Mme Kulp. Nous savons que les avantages sont nombreux et donc, l’emploi peut attirer des gens qui n’ont pas le profil recherché. Notre sélection est stricte, car nous souhaitons travailler avec des gens qui ont vraiment le désir d’aider les autres. Ça doit venir du cœur. »
Une entreprise qui appartient à ses travailleurs
Après trois mois au sein du groupe, il est possible pour chaque travailleur d’acquérir une part de l’entreprise, et ainsi d’avoir accès à un certain pouvoir de décision. Les travailleurs-«propriétaires» élisent les membres du conseil d’administration de la coopérative et contribuent à définir les priorités et les stratégies de l’entreprise. Ce conseil d’administration est composé de douze personnes, dont sept sont des employés-propriétaires. « Nous avons un programme de répartition des profits de l’entreprise en dividendes pour nos employés, explique Karen Kulp. Cela nous permet de remplir notre mission d’offrir la stabilité aux travailleurs. Nous croyons que le travail de qualité est possible lorsque les personnes ont des conditions positives dans leur emploi. »
Par ses deux axes d’action sociale, Home Care Associates est un des leaders de l’emploi coopératif aux États-Unis. En janvier 2013, HCA a rejoint le réseau B Corp, une communauté de plusieurs centaines d’entreprises, présentes dans 29 pays, qui agissent à réduire les inégalités sociales et leurs empreintes écologiques, pilotées par l’organisation non gouvernementale B Lab. En obtenant la certification « B Corporation », l’agence de Philadelphie cimente sa vision d’entraide, de collaboration et d’avancement social.