Naomie Gelper
Coopoly, coopérative fondée par 10 étudiants de Polytechnique Montréal le 3 octobre 1944, en a vu de toutes les couleurs depuis 75 ans. Retour sur l’histoire de la première coopérative scolaire, créée tout juste avant celle de HEC Montréal.
Comptant aujourd’hui plus de 10 000 membres actifs, Coopoly a un chiffre d’affaires de 1,7 M$. Le déclin du livre fait vivre à la coop des moments difficiles, mais celle-ci n’en est pas à sa première épreuve.
Débuts modestes
À son lancement, la coopérative avait des activités très modestes. Partie de presque rien, Coopoly n’offre initialement que quelques services et du matériel avec les moyens du bord. « À l’époque, un étudiant responsable de la coop recevait les livres et les conservait dans sa case, explique le directeur général, Yves Daigneault. Les clients étaient priés d’aller cueillir leurs achats à cet endroit ! »
Après l’obtention d’un local, rue Saint-Denis, la coopérative a pu croître tranquillement et lancer sa librairie. La croissance de la coopérative est particulièrement marquée par la mise en marché de la calculatrice de poche HP, en 1972. « Lorsque les premiers ordinateurs et calculatrices programmables furent introduits sur le marché, Coopoly a sauté à pieds joints dans ce qui fut le début de la révolution de la micro-informatique », relate M. Daigneault. La coopérative a alors connu de très bonnes années, au point où l’organisation a décidé de se scinder en deux. « Il y a avait Coopoly informatique et Coopoly librairie, occupant deux locaux distincts », explique-t-il.
Des défis de taille
L’année 1989 marque un difficile tournant. Dans la foulée d’une mauvaise décision concernant le modèle d’ordinateur offert à la clientèle, la banque rappelle son prêt et met fin au plan de financement étudiant pour l’achat d’ordinateurs. « Coopoly s’est fait tromper par un fournisseur qui lui a vendu à très bas prix un modèle d’ordinateur, sans cependant l’avertir que, à l’automne, il en lancerait un nouveau », reprend M. Daigneault. La coop s’est retrouvée avec un entrepôt rempli de matériel désuet. Ce qui provoqua sa faillite, en 1992.
Suivent des réductions de personnel, qui mènent à une réorganisation de la coopérative. La plongée vers les abysses se poursuit avec la location d’un local rue Jean-Talon, qui ne sera jamais utilisé. Mais l’entreprise sera sauvée grâce à un accord avec ses créanciers et, surtout, l’appui de l’école. « Ce furent des années de vaches maigres », continue Yves Daigneault.
En 1993, Coopoly instaure un plan de redressement : toutes les activités sont concentrées à Polytechnique. La situation se stabilise, et la Coop remonte la pente. La dette fond et, en 1995, Coopoly publie un premier bénéfice depuis des lustres.
Se réinventer
Depuis cette époque, Coopoly ne vend que des accessoires. « Quand on a des demandes concernant des ordinateurs, on les envoie à Coop HEC : la carte de membre de Coopoly est acceptée à Coop HEC, et inversement », exprime M. Daigneault.
Mais aujourd’hui, le marché du commerce de détail est en profonde transformation. En conséquence, depuis quatre ans, la coop connaît une diminution de son chiffre d’affaires. « Contrairement aux coops des cégeps qui ne vendent que des produits francophones, les nôtres sont surtout en anglais, dit-il. Amazon représente donc une menace importante pour nous. » Puisqu’il y a moins de professeurs qui prescrivent des livres obligatoires, la coop voit également ses ventes baisser de manière significative. « Même les notes de cours sont de plus en plus en ligne. Les étudiants vont donc les chercher sur le site de l’école et n’ont plus besoin de version papier », ajoute-t-il.
Malgré ses difficultés, Coopoly ne baisse pas les bras. En effet, la coopérative a complètement réaménagé son local, le C-220, au pavillon principal. « Le livre va demeurer, mais nous allons mettre en valeur d’autres produits, comme les vêtements promotionnels », affirme Yves Daigneault.
Le directeur général pense que ce nouvel espace plaira à la clientèle étudiante. Il signale toutefois l’importance de mieux informer le public sur les réalités d’une coopérative. « Les étudiants achètent une carte de membre sans vraiment savoir de quoi il s’agit, énonce-t-il. On va donc insister sur le fait que Coopoly leur appartient et miser sur de nouveaux produits. »
L’exercice 2018-2019 représente finalement une année d’adaptation pour l’organisation. « On va mettre nos énergies à rentabiliser le commerce au maximum », insiste Yves Daigneault.