Jean Soublière
Directeur général de la Maison de la coopération du Montréal métropolitain (MC2M)
Coopoint propose dans cette édition un dossier bien étoffé sur l’intercoopération.
Ce sujet nous plonge au coeur de la doctrine coopérative, de son évolution au fil du temps et des difficultés éprouvées par les coopératives à mettre en oeuvre ce principe identitaire dans un contexte d’économie sociale contrasté.
Constats historiques
Premier constat à la lecture des textes de cet excellent numéro (à lire, d’une couverture à l’autre !) : à l’exception de Pierre Poulin, historien, et de Claude-André Guillotte, professeur agrégé et directeur de l’Institut de recherche pour les coopératives et les mutuelles de l’Université de Sherbrooke (IRECUS), plus personne ne semble parler de mouvement coopératif. Le buzz word de notre époque, c’est « écosystème de l’entrepreneuriat collectif ».
Pierre Poulin relate que, en 1943, les coopératives sont perçues « comme l’outil par excellence pour lutter contre la pauvreté, jeter les bases d’une économie plus juste et plus humaine et sortir le Québec de sa dépendance économique ». Il nous révèle aussi que le mouvement coopératif, grâce au Conseil supérieur de la coopération, a connu un développement rapide qui « n’aurait pas été possible sans la vaste campagne de promotion et d’éducation coopératives menée par un grand nombre d’intervenants (…) » de l’époque.
En somme, c’est d’un mouvement dont il s’agit.
Mais en 2022, on constate que la perception « d’outil par excellence » s’est étiolée et ne semble plus être aussi partagée qu’en 1943. Plusieurs entrepreneurs collectifs privilégieraient aujourd’hui l’OBNL marchande aux dépens du statut d’entreprise coopérative. Être à but non lucratif dans l’absolu serait, pour certains, un moyen d’entreprendre plus vertueux et plus crédible pour lutter contre la pauvreté.
Valeurs coopératives
On pense souvent que des expressions synonymes sont identiques, mais ce n’est pas toujours le cas. Par exemple, si l’on attribue souvent le même sens aux mots « collaborer » et « coopérer », le dernier a une portée plus structurante et substantielle que le premier. Quand nous coopérons, nous mobilisons collectivement un ensemble de valeurs systémiques.
Les valeurs servent de repères aux individus dans la conduite de leur vie sociale et économique. Elles peuvent être éthiques, idéologiques, spirituelles, humaines ou autres. Et elles sont des manières d’être ou d’agir importantes qui muent les personnes vers des rapports de réciprocité. Dans le monde de la coopération, les valeurs sont l’entraide, la responsabilité, la démocratie, l’égalité, l’équité et la solidarité.
L’entraide et la solidarité sont des valeurs individuelles que l’on transpose facilement à l’organisation coopérative. Mais le risque d’anthropomorphisme est avéré, car la culture de l’entreprise coopérative et les volontés individuelles sont deux choses bien distinctes.
Comme le souligne Francis Duperron de Production 4 Éléments dans nos pages, « les employés des coopératives, surtout parmi les géants – qu’ils soient cadres ou au bas de l’échelle –, ne partagent pas nécessairement les valeurs de la coopération ». On peut penser aussi, comme l’affirme Patrice Blais de la CDRQ, que l’intercoopération n’est pas chose facile et qu’elle est « une question de compétence comportementale chez les directions des coopératives ».
Plus optimiste, Claude-André Guillotte a mentionné à Coopoint que c’est dans la nature d’une coopérative de favoriser échanges et commerce avec d’autres coops. Coopoint y va de nombreux exemples qui démontrent que les coopératives s’entraident et sont en effet solidaires entre elles de multiples façons.
Principes coopératifs
La coopération entre les coopératives (l’intercoopération) est le sixième des sept principes de la déclaration sur l’identité coopérative de l’Alliance coopérative internationale. Selon cet énoncé, les coopératives servent leurs membres le plus efficacement possible et renforcent le mouvement coopératif en collaborant par l’entremise de structures locales, nationales, régionales et internationales.
Dans un numéro portant principalement sur l’intercoopération, il est donc impossible de ne pas parler de structures. Conséquemment, Coopoint fait naturellement une place de choix à la modernisation de la gouvernance du Conseil québécois de la coopération et de la mutualité (CQCM).
Bonne lecture !
Crédit photo mise à l’avant : @renran sur Unsplash