Les membres de la Coopérative aux petits oignons: première entreprise à avoir bénéficié du Fonds l’ampli (Photo: Valérie Charlevoix)
Par Léo Mercier-Ross
Le Réseau d’investissement social du Québec (RISQ) et le Chantier de l’économie sociale lancaient le 30 mars 2023 le projet pilote d’un nouveau fonds d’investissement pour les entreprises d’économie sociale centré sur l’appui de la communauté: Le Fonds l’ampli.
Caroline Poles, analyste financier et responsable du Fonds l’ampli au RISQ, explique que « le Fonds l’ampli va venir appareiller au dollar près les montants amassés par des investisseurs de la communauté dans le cadre d’une campagne de financement participatif en capital. Et ce, jusqu’à hauteur de 100 000$. »
« Ainsi, les investisseurs voient la possibilité que leur investissement soit doublé par le Fonds », note Élias A. Michelena, analyste financier au RISQ lors du développement du Fonds l’ampli. Mme Poles clarifie que le Fonds l’ampli n’appareille pas les montants investis par des acteurs institutionnels, mais bien uniquement ceux d’individu ou de particuliers de la communauté.
Au cœur de la communauté
Cette dernière ajoute que le Fonds l’ampli vient se positionner à l’arrière de la communauté. « Donc, tous les investisseurs de la communauté vont avoir une priorité de remboursement. Le Fonds l’ampli va passer en dernier. Le but c’est d’encourager la communauté à s’impliquer », dit-elle.
Un autre atout du Fonds l’ampli, selon Caroline Poles, est qu’après la période, qui est de cinq ans au maximum, le montant investi par le RISQ peut-être réinvesti sous forme de prêt, pour éviter de rembourser à la fois les investisseurs de la communauté et le RISQ.
Nathalie Villemure, directrice générale du RISQ stipule d’ailleurs que « l’ancrage de la communauté dans les projets est au cœur du Fonds l’ampli. »
Pour M. Michelana, ce nouveau fonds d’investissement permet d’agir comme mise de fonds pour les différents projets. Un aspect qui est « parfois compliqué à obtenir pour les entreprises d’économie sociale », selon lui.
Obtenir des mises de fonds de la communauté est d’ailleurs la principale raison de l’existence du Fonds l’ampli, explique Charles Gagnon, agent de développement au Chantier de l’économie sociale.
Ce fonds d’investissement a été conçu au Chantier de l’économie sociale et s’aligne parfaitement avec la mentalité de ce dernier qui est de régler le problème des entreprises, note également M. Gagnon.
Plus qu’un investissement d’argent
La singularité du Fonds l’ampli repose sur l’encadrement qui vient avant l’obtention des fonds, stipule Élias A. Michelana. En effet, en préalable de l’obtention de financement par le Fonds l’ampli, chaque entreprise doit suivre un parcours d’encadrement, qui permet de s’assurer du cadre juridique et de bon fonctionnement de la campagne de financement.
Pour être admissible à une demande au Fonds l’ampli, il faut être accompagné par un accompagnateur certifié, qui sont définis par le Chantier de l’économie sociale. Mme Poles donne l’exemple de la Coopérative de développement régional du Québec.
L’aspect juridique est aussi important, un aspect juridique conforme et encadré par le Chantier de l’économie sociale est d’ailleurs prérequis. Charles Gagnon précise que le cadre juridique « est souvent flou pour les entreprises d’économie sociale. L’encadrement sert à s’assurer que tout est dans les normes pour arriver au meilleur résultat possible. »
Ces démarches prennent en moyenne six semaines, estime Caroline Poles. Cependant, Nathalie Villemure stipule que la durée change pour chaque projet, dépendant notamment du degré de connaissance face au processus de financement par la communauté ou du type de projet. « Un démarrage d’entreprise c’est généralement plus rapide qu’un rachat », exprime-t-elle.
Succès concret
Le Fonds l’ampli a, en date d’août 2023, pu financer un projet: celui de la Coopérative aux petits oignons, une coopérative d’agriculture bio. Selon Mme Poles, le processus juridique a été particulièrement long sans cependant rallonger le projet. « Cela nous a permis d’apprendre un peu plus quoi faire et ne pas faire pour ce processus ».
Véronique Bouchard, directrice générale de la Coopérative aux petits oignons, exprime que « le Fonds nous a vraiment aidés à mettre en place la campagne de financement. Cette dernière qualifie l’encadrement de « indispensable au succès de notre campagne. » Ces derniers ont dépassé leur objectif initial de 150 000 dollars pour en atteindre 250 000. Elle explique que le Fonds l’ampli « a permis de mettre l’accent sur le pouvoir de l’argent que les investisseurs placent. Donc de pouvoir le mettre dans une entreprise directement plutôt que dans une banque qui va choisir pour eux quelle entreprise sera financée ».
Mme Bouchard confirme que le Fonds l’ampli a permis de mieux impliquer la communauté dans le projet « au niveau financier, mais aussi pour faire connaître la coop à travers notre campagne. »
Pour cette dernière, être financé par la communauté présente des avantages indéniables. En effet, elle stipule « qu’en étant financé par la communauté, on sait qu’il va y avoir des investisseurs qui vont vouloir réinvestir dans la communauté plutôt que de se faire rembourser. Ça va nous aider avec le remboursement des investissements. »
Projet pilote
Pour le projet pilote, qui est d’une durée d’un an et demi, le montant qui peut être investi par le RISQ est de 1 million de dollars. La quantité de projets financés dans le cadre du projet pilote sera donc dépendante du montant appareillé pour chaque entreprise.
Afin d’obtenir un portrait plus juste et complet, Caroline Poles et Nathalie Villemure souhaitent que le Fonds l’ampli finance à la fois des OBNL et des coopératives, tous issue de milieux divers. Ce qui peut s’avérer un défi, selon M. Gagnon. En effet, ce dernier ajoute que « les structures d’appui des coopératives ne sont pas habituées à travailler avec les OBNL, et vice-versa. »
Le projet pilote sert principalement comme preuve de concept et pour rassurer le gouvernement, notamment sur l’aspect juridique, explique Charles Gagnon. Élias A. Michelana note qu’en tant que projet pilote, le Fonds l’ampli ne peut que s’améliorer, « en apprenant ce qui fonctionne ou pas, notamment avec l’encadrement qui est en amont du déversement du financement. »Suite à la période de projet pilote, Nathalie Villemure souhaite que celui-ci devienne un fonds permanent au RISQ. Charles Gagnon partage ce sentiment en ajoutant que « l’objectif est d’atteindre 10 millions de dollars à investir. »