< Retour à la liste des articles 15 octobre 2013

S’unir pour rester indépendant

Coopérative Regard-Action

Félix Delage-Laurin

Comment deux professions, auparavant hiérarchisées et travaillant en vases clos, sont-elles arrivées à s’unir il y a 20 ans? C’est ce que raconte l’histoire unique de Regard- Action, une coopérative de producteurs regroupant 160 membres, tous opticiens et optométristes indépendants, provenant de 95 villes du Québec et du Nouveau-Brunswick.

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est gaston-boucher.png.Regard-Action a été fondé il y a 19 ans, en 1994, par l’homme d’affaires Gilles Daudelin et une trentaine d’opticiens et d’optométristes indépendants, traçant ainsi une brèche au sein de la vieille hiérarchisation existant entre ces deux professions. Le contexte de l’époque commandait cette union inusitée, sinon il aurait été impossible pour ces opticiens et optométristes de rester indépendants, m’explique le directeur général de Regard-Action, Gaston Boucher. « Au milieu des années 1990, les grandes chaînes du domaine de l’optique publicisaient en grande pompe leur 3 pour 1, qui comprenaient trois services (la prescription, les verres et la monture) pour le prix d’un service. C’était une promotion très alléchante pour les clients et cela désavantageait les opticiens et optométristes indépendants. […] En pensant cette union, on était au niveau commercial de l’opération et le plus important était de renforcer la force indépendante parce qu’on avait une clientèle à servir », explique Gaston Boucher.

La valeur de l’indépendance
Quel est l’avantage de cette « force indépendante » dans le milieu de l’optique? Être indépendant, m’explique Gaston Boucher, comporte beaucoup d’avantages, autant pour le professionnel de l’optique que pour le consommateur de lunettes. « En tant qu’indépendants, on a une liberté de choix. Quand tu es sous l’égide d’une corporation, la liberté de choix est un peu restreinte parce que la corporation impose les produits à vendre tandis qu’un indépendant a une grande liberté. Cela lui procure beaucoup plus de souplesse et il peut mieux adapter son produit à chaque client. […] Il faut comprendre qu’en optique, le professionnel (et son nom) devient la référence. Les gens vont dans un commerce parce que sur la porte principale, il y a le nom du propriétaire qui est là. On est dans un domaine de la santé et la relation entre le consommateur et le professionnel-propriétaire est primordiale. Le propriétaire indépendant étant toujours sur place, il devient donc la référence de l’optique dans son environnement, dans son quartier. C’est très fort. »

Mettre l’emphase sur son nom de professionnel est donc nécessaire et important pour se différencier des grandes chaînes comme New Look. « Chez New Look, le client ne sait jamais qui va s’occuper de lui et ça peut changer d’une fois à l’autre. C’est ça, la différence d’être un indépendant », souligne Gaston Boucher, qui indique que le rôle de Regard-Action est de permettre à ses membres de rester compétitifs, mais indépendants. « Notre regroupement est primordial pour que le professionnel indépendant soit capable d’offrir des produits intéressants, diversifiés et avec une approche personnalisée. »

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est portrait-boucher.png.L’avantage du regroupement d’achats
« Le principal service offert est la centralisation des achats mensuels de nos membres. On a des ententes de vente avec une centaine de fournisseurs en montures, en verres et en lentilles cornéennes principalement. L’effet de groupe nous permet d’obtenir de meilleurs prix. Nos membres profitent de ces ententes. Nos membres font tous leurs achats chez nos fournisseurs accrédités et à la fin du mois, ils ne font qu’un seul paiement », expose Gaston Boucher. De plus, ce regroupement d’achats permet aux membres de bénéficier de rabais-volume à la fin de l’année, lorsque le regroupement d’achat a permis d’atteindre des objectifs d’achats chez certains fournisseurs.

« Notre objectif, en tant qu’employé de la coopérative, est de chercher constamment de meilleures ententes pour nos membres opticiens et optométristes. On est dans le domaine commercial, donc il faut être à l’affut des nouvelles tendances », explique, l’œil brillant, le directeur général.

Il faut évoluer
Si Regard-Action est un exemple de longévité, les propriétaires opticiens et optométristes sont parfois plus réfractaires aux changements de pratique. « L’ancien président de Regard-Action disait qu’il y avait deux types de gens : les gens d’affaires et les gens en affaires. Les gens d’affaires ont leur commerce et font leur petit train-train quotidien. Les gens en affaires sont toujours à la recherche de solutions, de façons différentes de faire des ventes. Ils sont éveillés au changement. Certains font affaire avec les mêmes laboratoires de fabrication de verre depuis des années et ne veulent pas aller dans notre nouveau laboratoire. Cela prend du temps pour les convaincre de changer leurs vieilles habitudes et leurs pratiques de toujours », explique Gaston Boucher.

Il faut aussi contrer la révolution Internet. De plus en plus de gens achètent leurs montures sur le web, parce que c’est moins cher et plus rapide. Or, ces gens semblent considérer d’égales à égales des lunettes provenant d’Internet et des lunettes faites sur mesure par un bureau d’opticien et d’optométriste. Les lunettes sur Internet étant moins chères, les gens se rabattent sur celles-ci. Or, selon Gaston Boucher, les gens se trompent et sont mal informés. La solution passe, selon lui, par de la formation autant chez les membres que chez leurs clients, afin de leur expliquer l’importance de faire affaire avec un opticien et un optométriste indépendant. « On parle de santé des yeux, ici. Ce n’est pas n’importe quoi », prévient t-il.

Les défis sont donc nombreux pour les vingt prochaines années!

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