nOula noop de solidarité
Nada Elkouzi
Haïti est un pays producteur et exportateur de café depuis plus de trois siècles. Or, en quelques années, sa production a chuté, particulièrement dans les années 1980. Plusieurs facteurs sont en cause, dont la baisse des cours du café dans les marchés boursiers, le manque d’infrastructures et d’investissement dans cette culture, l’absence de crédit agricole pour les producteurs, la pression parasitaire, pour ne citer que ceux-là.
Depuis les années 1990, les producteurs de café d’Haïti exportent leurs produits sur le marché équitable international après s’être organisés en associations et en coopératives pour relancer la filière du café en assumant totalement le processus de transformation dont ils avaient été exclus jusqu’alors. Depuis les années 2000, ces organisations paysannes se sont structurées en six plates-formes régionales, représentées maintenant au sein d’une plate-forme nationale. En octobre 2008, la Plate-Forme Nationale des Producteurs de Café d’Haïti (PNPCH) a été officiellement constituée avec pour mission de défendre, promouvoir et commercialiser le café d’Haïti.
Cet organisme représente près de 200 000 familles haïtiennes qui vivent de la culture du café, dont un infime pourcentage (1,25 %) est écoulé sur le marché équitable avec, pour destinations principales, l’Europe et le Japon. Un petit pourcentage de la production est exporté vers l’Amérique du Nord. Augmenter ce pourcentage : c’est à cet objectif que la jeune coopérative nOula a choisi de s’attaquer en important du café équitable haïtien de qualité supérieure et en le commercialisant au Québec, ce qui fait d’elle la seule coopérative canadienne à importer du café équitable d’Haïti!
« La coop nOula n’est pas une entreprise de café », expliquent ses cofondateurs et membres travailleurs, Guylaine Pelletier et Jean-Christophe Stefanovitch. Sa mission consiste à être un pont entre Haïti et le Québec, un lieu de rencontre, de réseautage et de jumelage pour la paysannerie haïtienne etles citoyens du Québec. « Noussommes à quatre heures à peine d’avion d’Haïti, nous partageons la même langue, en plus d’avoir une grande présence de Québécois d’origine haïtienne », souligne monsieur Stefanovitch pour expliquer le choix de s’approvisionner en Haïti. Mise sur pied par un groupe de Québécois, dont certains sont d’origine haïtienne, cette coopérative exprime la volonté de ses membres d’encourager la production nationale haïtienne et de contribuer à améliorer les conditions de vie de petits producteurs de café en maximisant leurs revenus à travers des liens commerciaux plus justes.
Un travail d’éducation et de sensibilisation
La coopérative nOula entretient des liens directs avec les producteurs de café regroupés sous le RECOCARNO, un réseau de huit coopératives caféières du nord du pays, mais aussi avec la PNPCH, afin de garantir que les relations d’affaires établies par nOula en Haïti cadrent bien dans le plan global de développement de la filière du café établi par les producteurs eux mêmes. D’ailleurs, sur le site Internet de la coopérative, on retrouve le portrait de quelques-uns de ces producteurs, histoire de rappeler qu’il y a des êtres humains derrière la culture.
La coopérative nOula ne fait pas seulement du commerce, elle fait aussi de l’éducation à travers le travail de sensibilisation et de mobilisation qu’elle effectue au Québec auprès de la communauté d’origine haïtienne, aussi bien que du grand public. À preuve, deux documentaires faisant la promotion de la filière haïtienne du café et du commerce équitable ont été réalisés par le cinéaste André Vanasse, un autre membre fondateur de la coopérative. Ces documentaires seront diffusés, entre autres, dans les écoles pour sensibiliser les jeunes à l’importance du commerce équitable et à ses retombées positives sur les producteurs.
Une exportation sous le signe de l’espoir
Après plusieurs mois d’efforts conjoints de part et d’autre, la première exportation de café équitable du pays après le séisme de janvier s’est faite pour le compte de nOula. Bien que le nord du pays n’ait pas été touché par le séisme, le transport maritime a été monopolisé pendant plusieurs mois par l’affluence de l’aide internationale.Le premier conteneur de café acheté par nOula en mars 2010 est finalement arrivé à Montréal quatre mois plus tard, au grand bonheur des Québécois d’origine haïtienne, pour qui cette première exportation signifie une certaine reprise de l’économie nationale. Loin d’être découragés par les délais causés par la situation extraordinaire du début 2010, les promoteurs de nOula ont le vent en poupe et réfléchissent déjà à de nouveaux projets pour la coopérative.
Après le café, le sel, le cacao et les fruits séchés!
À court terme, la coopérative veut continuer à commercialiser le café auprès des marchands de produits haïtiens. À moyen et long terme, elle veut diversifier son offre de produits en important d’autres denrées telles que le cacao, le sel et les fruits séchés, toujours en s’approvisionnant exclusivement auprès de coopératives de producteurs certifiées « équitables ». De plus, elle compte bénéficier des liens qu’elle a établis au nord comme au sud afin de promouvoir les activités de tourisme équitable en Haïti, notamment « la Route du café », dont le sentier est déjà tracé pour faire du tourisme communautaire la voie solidaire pour diversifier les sources de revenus des caféiculteurs.