Chantal Jolicoeur
La ville de Laval peut fièrement se présenter comme capitale horticole du Québec. Comptant au total près de 1 000 entreprises qui fournissent de l’emploi à 15 000 personnes, le secteur agroalimentaire constitue une industrie d’importance dans cette région. Sa production est vendue au Québec, en Ontario et aux États-Unis. Avec ses 376 000 habitants, son territoire zoné agricole à 30 % et son expertise en bioalimentaire, la région lavalloise est un terreau fertile pour le développement de coopératives dans le secteur agroalimentaire.
D’entrée de jeu, mentionnons que le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ ), par l’entremise de sa campagne Le Québec dans mon assiette!, encourage le rapprochement des producteurs ou transformateurs horticoles avec les citoyens. Les achats locaux sont un créneau appelé à croître dans les prochaines années. Outre les marchés saisonniers et le programme Agriculture soutenue par la communauté qui permettent d’écouler les produits du potager, les coopératives sont une voie à considérer grâce à la synergie qu’elles peuvent créer entre les producteurs et les consommateurs.
Pour sa part, la Conférence régionale des élus (CRÉ) de Laval désigne la municipalité comme étant la région de l’innovation et du développement durable. Dans son plan stratégique 2008–2013, sous le thème Agir pour une région écocitoyenne, la CRÉ entend orienter ses actions notamment sur la promotion de modes de consommation responsable et sur la sensibilisation de la population aux pratiques du développement durable. Parmi ses champs d’intervention, on retrouve la préservation et le développement de l’activité agricole lavalloise. Cependant, cette activité économique est confrontée à certaines menaces :
- la spéculation foncière;
- les coûts élevés de production;
- la concurrence étrangère qui incite peu les citoyens à favoriser
l’achat local; - le faible taux d’innovation;
- le manque de relève;
- le peu de mesures de soutien financier au secteur serricole.
De son côté, l’Agropôle de Laval Technopôle a pour mission de développer et de soutenir la filière agroalimentaire dans la région. Il recense 300 entreprises en production et transformation qui représentent 4 500 emplois, en plus de 700 entreprises de distribution. Nancy Guay,
directrice de l’Agropôle, souligne que 94 % d’entre elles produisent des
fruits, des légumes et des fleurs, alors que les 6 % restant regroupent 17 entreprises de grandes cultures, production laitière et apiculture. « Depuis cinq ans, la transformation alimentaire est en pleine croissance. D’ailleurs, la Table de concertation agroalimentaire de Laval (TCAAL) s’est récemment dotée d’un plan stratégique très novateur », affirme-t-elle.
La TCAAL promeut intensivement les savoureux produits de la région. Son site Internet www.saveursdelaval.com est une découverte inouïe. On y retrouve un répertoire de tous les sites d’autocueillette, la liste des fermes, un localisateur d’entreprises agroalimentaires, le répertoire des produits cultivés, des trousses éducatives pour les jeunes, des recettes succulentes et la liste des événements du secteur. La vision de la TCAAL dans le Plan de développement stratégique régional 2010–2015 consiste d’ailleurs à développer une cité agroalimentaire dynamique, ouverte, innovante et durable qui se démarque par un pôle d’excellence reconnu en horticulture périurbaine.
Ce plan de la TCAAL a ciblé quatre projets majeurs. Deux d’entre eux ont d’ailleurs déjà été acceptés au Fonds de développement régional de la CRÉ. Le premier consiste à faire de Saveurs de Laval un organisme de commercialisation orienté vers les circuits courts pour rapprocher les producteurs des consommateurs. Le deuxième projet consiste à mettre sur pied un centre d’accompagnement en transformation agroalimentaire afin d’aider les nouvelles entreprises à trouver un local répondant à leurs besoins. Les autres initiatives, à réaliser d’ici 2014, visent à créer un incubateur pour la relève en agriculture ainsi qu’un centre d’expérimentation en agriculture périurbaine.
Tous ces éléments font en sorte que la Coopérative de développement régional de Montréal-Laval (CDRML) identifie un potentiel de développement coopératif dans le secteur agroalimentaire à Laval. La coopérative peut, en partie, se révéler une solution aux divers défis de l’horticulture lavalloise. Selon les données du Conseil québécois de la coopération et de la mutualité (CQCM), il existe 189 coopératives agricoles au Québec. Elles produisent 21 278 emplois, regroupent 534 033 membres et cumulent 2,7 milliards de dollars d’actifs et 7,3 milliards de dollars de chiffre d’affaires. Bien entendu, la Coop Fédérée, sa filiale Olymel et Agropur figurent parmi les plus importantes entreprises coopératives du secteur agroalimentaire au Québec et au Canada.
Le Québec s’étant surtout développé en milieu agricole, il n’est pas étonnant de savoir que les premières coopératives de ce secteur sont apparues au début des années 1900 et figurent parmi les plus anciennes en sol québécois. Historiquement, la coopérative est tout naturellement devenue une forme juridique de choix dans le milieu agroalimentaire. Il y a donc place à la création de multiples coopératives pour répondre à la demande croissante des consommateurs pour des produits frais.
La CDRML s’est impliquée dans une première initiative qui a vu le jour en 2009 lorsque l’Agropôle, en collaboration avec plusieurs instances de la région, a fait le constat que les producteurs agricoles lavallois auraient avantage à coopérer. Ainsi, la Coopérative Paniers-Saveurs de Laval a vu le jour et en est à sa troisième saison de récoltes. Pour à peine 21 $ par semaine pendant 10 semaines à compter du mois d’août, les citoyens peuvent recevoir sur leur lieu de travail un panier bien garni de fruits et légumes frais cultivés dans la région. En lien avec les orientations de Saveurs de Laval, la coopérative favorise et promeut les achats locaux et la pérennité de l’agroalimentaire, tout en incitant les Lavallois à réaliser des gestes équitables et écologiques.
Au cours de l’été 2011, une deuxième coopérative a amorcé sa constitution en regroupant cette fois-ci des transformateurs agroalimentaires de Laval. La CDRML a ainsi travaillé à nouveau avec le CLD, la CRÉ et l’Agropôle pour réunir des transformateurs dans les domaines variés du jus d’orange, de l’érable et du miel, du chocolat, de la charcuterie et des marinades, tout en intégrant les clients comme membres utilisateurs dans la coopérative ! L’idée de départ de créer un marché virtuel a été reportée à la suite d’une consultation auprès de groupes témoins. Les activités de l’entreprise s’amorceront avec l’ouverture d’une boutique ayant pignon sur rue pour vendre les produits des membres de la coopérative et ainsi promouvoir les achats locaux. À surveiller!