< Retour à la liste des articles 15 octobre 2015

L’Afrique aux Africaines

Alexandre Couture

5 heures du matin, le soleil se lève sur Léo, au sud du Burkina Faso. Comme dans plusieurs villes africaines, les femmes partent vers le champ pour une autre dure journée au travail. Mais ces femmes-ci sont différentes, elles savent qu’elles récolteront les fruits de leur dur labeur, contrairement à bien des travailleuses agricoles en Afrique.

Regard sur une fédération de coopératives où les Africaines sont maîtres chez elles
Surnommées « l’or des femmes », les noix de karité procurent depuis longtemps des emplois à des millions d’Africaines, mais comme dans plusieurs secteurs, une poignée d’hommes récoltaient jadis les bénéfices. Ce temps est heureusement révolu car depuis 2001, des milliers de femmes se sont regroupées pour former une fédération qui protège les droits des travailleuses agricoles.

La Fédération Nununa est une coopérative de productrices agricoles, qui regroupe près de 5000 femmes en Afrique de l’Ouest. Soutenue par différentes ONG à travers le monde, dont le Centre d’étude et de coopération internationale du Canada (CECI), elle a pour mission de contribuer à l’amélioration des conditions de vie des femmes en milieu rural à travers le renforcement de leurs compétences et de leur capacité de production.

Un marché lucratif

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est nununa.png.À la base d’un marché florissant qui rapporte des millions de dollars à chaque année, les femmes récoltent les fruits du karité selon des méthodes traditionnelles. Elles broient ensuite les amandes qu’ils contiennent pour en extraire le précieux beurre, qui est vendu sur les marchés locaux ou internationaux. Ce beurre est comestible et peut donc être utilisé en cuisine, mais il sert principalement en cosmétique.

Selon le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), le beurre de karité fait travailler directement ou indirectement environ trois millions d’Africaines. Les principaux pays producteurs sont le Nigéria, le Mali, le Burkina Faso, le Ghana, la Côte d’Ivoire, le Bénin et le Togo.

C’est en mai 2013, en Amérique du Nord, que s’est tenue la toute première conférence de l’industrie du karité. À cette occasion, les producteurs africains ont pu rencontrer des géants de l’industrie cosmétique, comme L’Oréal ou BodyShop. Ces dernières années, la forte augmentation de la demande de beurre de karité les a amenés à réclamer une juste rémunération de leur labeur. Au cœur de ce mouvement africain, la Fédération Nununa a vu le jour et rien ne semble pouvoir l’arrêter.

Des milliers de femmes se sont regroupées pour former une fédération qui protège les droits des travailleuses agricoles.

Fédération Nununa: Solidarité-équité-durabilité
En 1997, sous l’égide du CECI et grâce à l’appui technique des services de l’agriculture des provinces de la Sissili et du Ziro, 600 femmes réunies dans 18 Groupements Féminins (GF) s’organisent pour la production du beurre de karité. Elles mettent en place l’Union des Groupements de Productrices de Produits du Karité des provinces de la Sissili et du Ziro (UGPPK/S-Z) de la région du centre ouest du Burkina Faso.

Cette union est créée afin de crédibiliser les productrices vis-à-vis des clients internationaux. Renommé en 2011 «Fédération Nununa», qui veut dire gras naturel en dialecte Nuni (peuple gourounsi de la région du Centre-Ouest), l’union a comme but premier de relever le défi d’accès au marché international.

Le succès de la Fédération a donné les moyens à l’organisation de redonner à la communauté. En effet, depuis 2008, Nununa s’est dotée d’une mission sociale. Grâce à la prime équitable versée par certains clients, l’appui de partenaires et les marges générées par la vente de ses produits cosmétiques, la Fédération a réalisé, depuis 2008, plusieurs activités sociales. (voir encadré)

Les femmes bénéficient de formations techniques et la Fédération Nununa les aide à améliorer leurs conditions de vie. Elle propose ainsi des centres d’alphabétisation ainsi que des microcrédits pour favoriser la création de petites entreprises.

Au-delà de la production
• Formation des productrices pour améliorer la qualité et l’hygiène du beurre de karité;
• Alphabétisation des femmes;
• Sensibilisation des productrices au VIH/SIDA;
• Parrainage d’orphelins et enfants vulnérables;
• Parrainage du sport à l’école primaire;
• Promotion de microcrédit pour la réalisation d’Activités Génératrices de Revenus (AGR) au profit des
femmes;
• Construction de latrines publiques et de forages;
• Promotion des énergies renouvelables: foyers améliorés, biodigesteur familial;
• Organisation de journées de plaidoyer pour la protection de l’arbre à karité;
• Création et aménagement des parcs à karité;
• Constitution d’un fonds environnemental.

«L’or blanc des femmes»
Au-delà de la croissance spectaculaire et de la diversification des activités génératrices de revenus de ses membres, Nununa se distingue par sa capacité à assurer une pérennité pour l’organisation à long terme. Les retombées financières et sociales, non seulement pour les femmes membres de la Fédération, mais également pour la collectivité, en font un exemple de réussite.

Récipiendaire du prestigieux « Prix de la solidarité internationale » remis par le quotidien français LeMonde, la Fédération Nununa exporte ses produits un peu partout dans le monde. Au Québec, on peut retrouver leur produit chez Karité Delapointe, compagnie pionnière dans le commerce équitable. «Notre mission est de porter toujours plus loin le message de solidarité à travers un commerce équitable, et ce en vendant le plus de tonnes possibles de beurre de karité parce que, plus il y a de beurre de karité vendu, meilleures sont les conditions de vie pour les productrices! », expliquait la propriétaire, Praxède Lévesque Lapointe.

De leurs petits bureaux de Léo, les employés de Nununa travaillent d’arrache-pied pour améliorer le sort des travailleuses agricoles africaines. Malgré les profits intéressants que le marché du beurre de karité rapporte à la Fédération, la priorité reste et restera toujours les Africaines. Comme quoi, il est possible de participer à la mondialisation tout en respectant les pays en voie de développement. 

La Fédération Nununa, un modèle de solidarité sociale à l’image de l’Afrique: ambitieux et prometteur.

Activité
Production et commercialisation de beurre de karité et d’huile de sésame
 
Chiffres d’affaires
300 millions de francs CFA (461 500 euros)

Effectifs
25 emplois permanents

Financeurs
Garrigue/Fonds Afrique

Nununa

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